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Neutralité du net. Qui va payer ? En profiter ?

Neutralité du net ? Aux Etats-Unis, des dizaines d’acteurs, parmi lesquels Google, Facebook ou encore Twitter, ont appelé à la mobilisation ce mercredi 12 juillet en faveur de la neutralité du net, un principe dont l’objectif est de garantir l’accès à internet pour tous et à l’intégralité des contenus, quel que soit le fournisseur d’accès à internet (FAI). Cette journée d’action fait suite à la remise en cause par la FCC (Commission fédérale des communications aux USA) d’un texte adopté par l’administration de Barack Obama concernant le renforcement de cette neutralité du net.

Google, Facebook ou encore Twitter, ont appelé à la mobilisation ce mercredi 12 juillet en faveur de la neutralité du net ! Il existe trois piliers fondamentaux sur lesquels repose internet, et qui sont aujourd’hui des droits, pas seulement des privilèges : la vie privée en ligne, la sécurité et l’accessibilité. Bien que cette dernière soit un principe fondateur, la neutralité du net n’est en revanche pas aussi évidente. Entre les fournisseurs de contenu et ceux d’accès à internet, les arguments pour ou contre sont nombreux d’un point de vue économique. Dans ce contexte, la question aujourd’hui est de savoir qui va payer et qui va en profiter ?

Imaginons par exemple que Google et Facebook soient des constructeurs, et que les FAI soient des entreprises de camionnage qui livrent de la marchandise. Dans ce cas, ces derniers vont effectuer des livraisons sans frais pour le fabricant. Au lieu de cela, ils facturent à chaque consommateur utilisant leurs services un montant forfaitaire mensuel qui leur permet de recevoir des biens ; ces derniers pouvant être lourds et imposants ou petits et légers. Dans cet exemple, les FAI imposent évidemment des coûts bien plus élevés pour la livraison de colis plus volumineux.

En ayant toujours en tête la problématique de la neutralité du net, les fournisseurs de contenu profitent essentiellement de la livraison gratuite de leurs produits, peu importe le type, tout en sachant que les vidéos coûtent plus cher qu’un simple email à délivrer. Les FAI, contre la neutralité du net, veulent être en mesure de leur imposer des frais pour ce service ou bien pour contrôler que la livraison n’impacte pas le réseau. De leur côté, les producteurs de contenu, favorables à cette neutralité, souhaitent qu’internet soit un service gratuit. Bien sûr, il y a également la question du respect de la sphère personnelle : laisser tomber la neutralité du net entrainerait-elle une violation de la vie privée par les FAI ?

A l’heure actuelle, le débat se résume à une bataille entre ceux qui veulent que le contenu soit délivré par internet, et ceux qui se chargent de le faire transiter et qui fournissent des efforts considérables pour en tirer profit. Qui supportera la charge financière pour développer et assurer l’avenir de cette infrastructure critique, vitale pour le fonctionnement de la société et de l’économie ? Ceux qui s’opposent à la neutralité du net devront payer pour l’infrastructure et la diffusion de contenus, tandis que les autres bénéficieront des investissements réalisés par les entreprises de télécommunications. Mais il faut avoir à l’esprit qu’une résolution ne sera adoptée que si le public s’exprime à ce sujet, auprès de l’Arcep par exemple. (Par Vince Steckler, Président Directeur Général d’Avast)

La victoire en faveur de la neutralité du net et la fin de roaming

Jeudi 3 avril, le Parlement européen a adopté à une large majorité le rapport Pilar Del Castillo (ES, PPE) relatif au marché unique européen des communications électroniques. Françoise Castex, qui avait contesté en janvier 2013 les propositions de Neelie Kroes[1], et mis en garde contre un vote négatif[2], salue la réécriture par le Parlement européen du texte initial de la Commission.

Le Groupe S&D se félicite de la fixation d’une date pour la fin de tous les coûts liés à l’itinérance (roaming) – Décembre 2015 -, un objectif pour lequel les députés S&D se battent depuis plusieurs années (1). Le troisième élément clé inclus dans la loi adoptée est la meilleure gestion des fréquences radioélectriques pour de nouvelles applications mobiles, visant à stimuler l’innovation.
L’eurodéputée Catherine Trautmann, responsable du dossier pour le Groupe S&D, a déclaré: « Nous sommes heureux que, finalement, les Libéraux aient changé d’avis et rejoint le groupe des progressistes dans la défense de la neutralité du net. Nous avons réussi à introduire une définition précise des «services spécialisés» afin qu’ils ne soient pas confondus avec les «services d’accès à Internet», et aussi une  référence obligatoire au principe de la neutralité du net (…) La protection de la neutralité du net nous a permis de soutenir le marché unique des télécommunications globales. Cette protection est essentielle à la fois pour les consommateurs et les entreprises, car elle apportera une assurance au secteur des télécoms et permettra des investissements, de la croissance et la création d’emplois (…) Bien que le règlement apporte des améliorations majeures en termes de coordination du spectre radioélectrique, d’utilisation innovante du haut débit sans fil, et de protection de la radiodiffusion, les socialistes et démocrates se battent tous les jours pour la protection de la vie privée sur Internet. Dès lors ils ne pouvaient  qu’être intransigeants vis à vis de la fin des frais de roaming (…) Nous considérons que l’Internet est un espace public où chacun peut accéder à un service ou une application de son choix, sans restriction ou limitation ».
L’eurodéputée Teresa Riera, porte-parole S&D pour l’industrie, a ajouté : « Cela a été une longue quête, mais nous avons finalement mis un terme aux frais de roaming. Élever des barrières artificielles en matière de télécommunications n’a aucun sens. Nous avons besoin de connecter l’Europe pour ouvrir la voie à l’innovation et la créativité (…) Il est tout aussi important de garantir un Internet ouvert à tous. Nous acceptons des services spécialisés – IPTV et la télémédecine en sont de bons exemples – mais ils ne devraient pas affecter la vitesse ou la qualité de l’accès du consommateur moyen ».

Paquet Télécom: « Internet n’est pas privatisable! »

De son côté, la Député Françoise Castex se félicite du vote du Parlement européen sur le volet « neutralité du net » du paquet télécom. « Dans sa proposition, ou plutôt « précipitation » initiale, la Commission européenne voulait encadrer le traitement préférentiel que les opérateurs peuvent proposer à certains services, tout en garantissant la qualité du service de base. C’était la porte ouverte à des offres différenciées d’accès à Internet, à un Internet bridé par des fournisseurs d’accès devenus eux-mêmes fournisseurs de contenus », souligne la Vice-Présidente de la Commission des Affaires juridiques.

« Avec ce texte, le principe de neutralité du Net devient explicite, général et de force exécutoire », se félicite l’eurodéputée Nouvelle Donne. « Ce texte garantit l’accès de tous à tous les points du réseau, sans discrimination liée au support, au contenu, à l’émetteur ou au destinataire de tout échange de données, » poursuit l’eurodéputée du Gers.

Pour Françoise Castex: « C’est un signal fort au Conseil Européen mais également à nos partenaires américains qui tardent à légiférer sur le sujet ». Mais l’eurodéputée n’est pas dupe: « Avec la pression des opérateurs historiques et des acteurs historiques du contenu, le risque que ce texte soit repoussé par les 28 est réel. »

« Gageons qu’ils prennent leurs responsabilités et apportent leur soutien à ce texte qui protège les droits fondamentaux de nos concitoyens et soutient nos PME innovantes contre les appétits gargantuesques des grandes multinationales américaines » conclut-elle.

 

La commission « Libertés civiles » du Parlement européen ouvre la voie à une réelle protection de la neutralité du Net

Le 12 février, la commission « Libertés civiles » (LIBE) du Parlement européen a adopté son rapport pour avis [1] sur la proposition de règlement relatif au marché unique européen pour les communications électroniques. Des amendements clés ont été adoptés, qui, s’ils étaient inclus dans la version finale du texte, garantiraient l’application de la neutralité du Net au sein de l’Union européenne. La Quadrature du Net met en garde la commission « Industrie » (ITRE), en charge du dossier, contre les tentatives d’adoption d’amendements édulcorés qui permettraient aux opérateurs de télécommunication de distribuer des services spécialisés d’une manière qui limiterait radicalement la liberté de communication et l’innovation sur Internet.

Grâce aux amendements déposés par les groupes Verts, S&D et ALDE, des versions solides des articles clés 2(15) [2] et 23 [3], et de leurs considérants, ainsi que des dispositions sur les services spécialisés et des dispositions assurant l’application effective de la neutralité du Net, sont maintenant incluses dans le rapport de la commission « Libertés civiles ». Le rapporteur PPE Salvador Sedó i Alabart (ES – PPE) a lui-même soutenu des dispositions positives. La Quadrature du Net remercie tous les eurodéputés qui ont contribué à ce vote.

Le texte adopté doit maintenant être considéré comme une référence pour le reste de la procédure législative, particulièrement pour la commission ITRE, qui prépare la version finale des recommandations adressées à l’ensemble du Parlement européen sur ce dossier. Néanmoins, des inquiétudes importantes subsistent concernant l’issue du vote de la commission ITRE. Les amendements de compromis [4] proposés par la rapporteure Pilar del Castillo Vera (ES – EPP) ouvrent la porte aux abus des opérateurs de télécommunications de manière scandaleuse. Pire encore, ces amendements ignorent entièrement la substance des meilleures propositions déposées par les autres députés de la commission – y compris par les membres de son propre groupe politique [5]. Enfin, ils entrent fortement en contradiction avec les principaux amendements votés en commission LIBE aujourd’hui, qui assureraient que le futur règlement protège les droits fondamentaux.

À ce stade de la procédure, il est inquiétant que même les rapporteurs fictifs des groupes politiques favorables aux amendements positifs ne s’opposent que extrêmement timidement à la rapporteure. Soutenir les amendements de compromis de del Castillo équivaut à ignorer les intérêts et droits des citoyens européens, et à laisser carte blanche aux opérateurs télécom pour mettre en place une discrimination illégitime des communications sur Internet. Tous les rapporteurs fictifs de la commission ITRE – Jens Rohde (DK – ALDE), Catherine Trautmann (FR – S&D), Amelia Andersdotter (SE – Verts/ALE), Giles Chichester (UK – ECR) – doivent rendre leur position publique, et permettre à tous de juger leurs responsabilités dans la version définitive du rapport ITRE, adoptée durant le vote prévu pour le 24 février. Si ces députés, ou d’autres membres de leur groupe, refusent de tenir compte des recommandations émanant de leur propre groupe politique au sein de la commission LIBE, et adoptent des amendements de compromis faibles, ou même mettant en danger la neutralité du Net, les citoyens européens les tiendront pour responsables, particulièrement lors des élections européennes [6] à venir.

« Les citoyens européens doivent faire entendre aux membres de la commission « Industrie » qu’il n’existe qu’un seul vote acceptable : le rejet des soi-disant « amendements de compromis » de Mme Pilar del Castillo Vera et l’adoption d’amendements aux articles 2(15) et 23 similaires à ceux de la commission LIBE. Pour qu’Internet puisse continuer à bénéficier de l’innovation et de la liberté de communication, le droit européen doit clairement interdire aux opérateurs télécom de commercialiser des services spécialisés techniquement identiques aux services en ligne déjà disponibles sur Internet » déclare Philippe Aigrain, cofondateur de La Quadrature du Net.

« Chaque voix comptera le 24 février, lors de l’adoption de la version finale du rapport de la commission « Industrie » sur la proposition de règlement. Nous appelons chacun de ses membres à s’opposer à la position de la rapporteure Pilar Del Castillo Vera et à voter en faveur des amendements clés adoptés en commission « Libertés civiles », qui seuls peuvent assurer la protection des droits fondamentaux, de la libre concurrence et de l’innovation sur l’Internet ouvert », conclut Miriam Artino, analyste politique et juridique pour La Quadrature du Net.

* Références *
1. http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2f%2fEP%2f%2fNONSGML%2bCOMPARL%2bPE-523.069%2b01%2bDOC%2bPDF%2bV0%2f%2fFR
2. Article 2(15) : « « service spécialisé », un service de communications électroniques ou un service de la société de l’information qui fournit une capacité d’accès à des contenus, des applications ou des services spécifiques, ou à une combinaison de ces derniers, ou bien la capacité d’envoyer ou de recevoir des données à destination ou en provenance d’un nombre déterminé de parties ou points terminaux et qui n’est pas commercialisé ou largement utilisé comme produit de substitution à un service d’accès à l’internet; »
3. Article 23, sur la « liberté de fournir et de se prévaloir des offres d’accès à un internet ouvert, et gestion raisonnable du trafic »
4. https://www.laquadrature.net/files/NN-Castillo-ITRE-CA.pdf
5. Voir : http://edri.org/bad-leadership-kill-open-internet-europe/ [en]
6. http://www.wepromise.eu/