Au vu du contexte en Ukraine et de l’invasion Russe, nous sommes témoins en temps réel d’une cyberguerre totale qui se déroule sous nos yeux. Aujourd’hui en Europe, la cybersécurité et la liberté numérique sont, au sens propre, des questions de vie ou de mort… le champion des echecs Garry Kasparov donne son avis !
On me demande souvent, depuis l’invasion lancée par Poutine en Ukraine, comment j’avais compris qu’il allait lancer une guerre. La réponse est simple : je ne suis pas devin, je ne tire pas les cartes mais j’écoute attentivement ce que dit Poutine. Les dictateurs peuvent affabuler et mentir à leur guise sur le passé, mais ils sont plutôt honnêtes quand il est question de leurs plans d’avenir. Il y a quelques années durant un dîner chez l’auteur de l’article « Pourquoi j’aurais dû écouter Garry Kasparov quand il parlait de Poutine », j’avais expliqué que Poutine n’abandonnerait pas ses projets pour l’Ukraine, à moins qu’il ne soit arrêté avant. D’ailleurs, lorsque Poutine a nié l’existence de l’Ukraine en tant que pays, j’ai aussitôt tiré la sonnette d’alarme. Il s’agissait là clairement d’un appel à la guerre.
Pourquoi la Russie perd la cyberguerre
Nous savons que le Kremlin a lancé des dizaines de cyberattaques contre des cibles ukrainiennes depuis le début de cette nouvelle invasion, le 24 février. Mais malgré tous les plans et toutes les stratégies de Poutine, la Russie perd la cyberguerre en Ukraine. Pourquoi ?
L’une des raisons de cet échec est la force du peuple ukrainien : tout comme l’armée ukrainienne a gagné la bataille de Kiev et continue à lutter contre l’armée de conscrits de Poutine en rendant coup pour coup, les spécialistes ukrainiens en cybersécurité défendent le pays des attaques du Kremlin.
Cet échec russe s’explique également par le fait que les systèmes russes et ukrainiens étaient si imbriqués que chaque attaque contre l’Ukraine pouvait se retourner contre la Russie. Un détail que ZATAZ avait indiqué, en premier, dés le mois de février 2022, démontrant la faiblesse des russes sur les réseaux sociaux.
Enfin, cette guerre nous a montré la grande vulnérabilité des systèmes russes. Des individus ou des groupes tels que les Anonymous n’ont eu aucune difficulté à pirater des sites du gouvernement russe.
Nous pouvons en tirer une leçon importante : la guerre en Ukraine nous a montré que les forces de la démocratie sont plus fortes, plus perfectionnées et plus avancées que les forces de l’autoritarisme. Nous devons, à juste titre, nous inquiéter de ce mal, mais nous ne devons pas en avoir peur.
La guerre et la cyberguerre peuvent nous sembler abstraites, mais elles nous aident à nous rappeler l’importance de la cybersécurité dans notre vie quotidienne. En effet, nous avons tous fait l’expérience de cybermenaces. Vous avez déjà reçu un spam, vu de fausses informations débitées dans des commentaires Facebook ou Twitter par des bots ou aidé une personne âgée à éviter les pièges d’une tentative de phishing ? Alors, vous savez que la cybercriminalité ne cesse d’augmenter. Nos vies se passent de plus en plus en ligne. Les outils de l’autoritarisme et de l’exploitation sont de plus en plus perfectionnés. Nous avons donc besoin de technologies qui évoluent sans cesse pour protéger la démocratie et notre confidentialité en ligne. La meilleure défense contre les cyberattaques, c’est un bon moyen de dissuasion.
La liberté numérique diffère d’une nation à l’autre
La révolution numérique a vécu une accélération sans précèdent. La pandémie de COVID-19 nous a tous forcé, ainsi que les gouvernements et les pays, à nous adapter à une vie virtuelle et hybride. Dans la plupart des pays démocratiques, cette transition numérique a exposé les utilisateurs à plus d’escroqueries en ligne et à un risque plus grand de piratage. Mais dans des endroits où est encore en place le rideau de fer de l’autoritarisme, comme la Russie de Poutine ou le Myanmar de la junte militaire, la pandémie a offert l’occasion au totalitarisme de réprimer davantage les citoyens et de limiter encore leur liberté numérique.
Ces citoyens du monde entier, privés d’un accès libre à Internet, doivent trouver des moyens créatifs, peu fiables et risqués pour contourner les pares-feux et la censure de leurs gouvernements. Cependant, ce dont nous sommes témoins aujourd’hui en Russie est du jamais vu. La coupure d’Internet en Russie par Poutine est un exemple historique d’une nation entière qui disparait du réseau Internet mondial. Les utilisateurs en Russie seront donc plus vulnérables aux malwares que jamais auparavant. Cependant, il nous reste encore à découvrir toutes les conséquences que ce changement cataclysmique aura sur Internet.