La Présidente de la CNIL met en demeure le ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation de cesser de prendre des décisions concernant des personnes sur le seul fondement d’un algorithme et de faire preuve de plus de transparence dans son utilisation.
Mise en demeure ! En 2016, la CNIL a été saisie d’une plainte à l’encontre du traitement « Admission Post-Bac » (APB) dont l’objet est le recueil et le traitement des vœux des candidats à une admission en première année d’une formation post-baccalauréat.
La Présidente de la CNIL a décidé en mars 2017 de diligenter des contrôles afin de s’assurer de la conformité de ce dispositif à la loi « Informatique et Libertés ». Les investigations menées ont révélé plusieurs manquements aux règles gouvernant la protection des données personnelles.
- S’agissant des formations non sélectives, seul l’algorithme détermine automatiquement, sans intervention humaine, les propositions d’affectation faites aux candidats, à partir des trois critères issus de l’article L. 612-3 du code de l’éducation : le domicile du candidat, sa situation de famille et l’ordre de préférence des vœux qu’il a formulés. Or, l’article 10 de la loi Informatique et Libertés précise qu’aucune « décision produisant des effets juridiques à l’égard d’une personne ne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l’intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité ».
- L’information des candidats sur le portail APB est insuffisante, au regard des exigences de l’article 32 de la loi Informatique et Libertés, s’agissant notamment de l’identité du responsable de traitement, de la finalité du traitement et des droits des personnes.
- La procédure de droit d’accès ne permet pas aux personnes d’obtenir des informations précises relatives à l’algorithme et à son fonctionnement, notamment la logique qui sous-tend le traitement APB ou le score obtenu par le candidat. En effet, l’article 39 de la loi Informatique et Libertés stipule que les personnes qui exercent leur droit d’accès doivent pouvoir obtenir « Les informations permettant de connaître et de contester la logique qui sous-tend le traitement automatisé en cas de décision prise sur le fondement de celui-ci et produisant des effets juridiques à l’égard de l’intéressé ».
La CNIL ne remet pas en cause le principe même de l’utilisation des algorithmes dans la prise de décision, notamment par les administrations. Cependant, compte tenu des enjeux éthiques qu’ils soulèvent, le législateur a prévu que l’utilisation des algorithmes ne pouvait exclure toute intervention humaine et devait s’accompagner d’une information transparente des personnes.
En conséquence, la Présidente de la CNIL a décidé de mettre en demeure le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation de se mettre en conformité avec la loi dans un délai de trois mois. La réforme récemment annoncée du dispositif APB devra donc s’inscrire dans l’objectif d’un strict respect, conformément à cette mise en demeure, de la loi Informatique et Libertés.
Il a été décidé par ailleurs de rendre publique cette mise en demeure compte tenu du nombre important de personnes concernées par ce traitement (853 262 élèves de terminale et étudiants ont formulé au moins un vœu d’orientation sur le site Web APB en 2017 selon le ministère) et de l’impact de celui-ci sur leurs parcours.
Elle rappelle en outre que cette mise en demeure n’est pas une sanction. Aucune suite ne sera donnée à cette procédure si le ministère se conforme à la loi dans le délai imparti. Dans ce cas, la clôture de la procédure fera également l’objet d’une publicité.
Si le ministère ne se conforme pas à cette mise en demeure dans le délai imparti, la Présidente pourra désigner un rapporteur qui, le cas échéant, pourra établir un rapport proposant à la formation restreinte de la CNIL, chargée de sanctionner les manquements à la loi Informatique et Libertés, de prononcer une sanction.