L’utilisation des mots de passe sur internet ressemble étrangement aux comportements des automobilistes dans les années soixante, heureusement depuis, ils se sont améliorés grâce aux campagnes de sensibilisation. Il serait temps que tous les acteurs qui gèrent les mots de passe prennent exemple sur la sécurité routière, y compris l’état.
Il y a vingt ans, nous n’utilisions pas Internet. Aujourd’hui, nous passons en moyenne quatre heures par jour à surfer sur le web (étude wearesocial). C’est un nouveau territoire que nous découvrons souvent avec enthousiasme car il nous permet de gagner en productivité, de rencontrer des gens, de voyager plus facilement…Mais il y a des risques associés à ces usages. Nous nous identifions et stockons des données sur des dizaines de sites souvent sans prendre de précautions particulières. Selon une étude Dashlane/IFOP, seuls 9% des français ont ainsi conscience de prendre des risques en utilisant le même mot de passe sur plusieurs sites ! Nous prêtons donc le flanc à l’industrie du piratage qui se développe aussi vite que les technologies de l’information. Une étude menée par un éditeur de logiciels antivirus a estimé que l’industrie de la cybercriminalité représentait 0.8% du PIB mondial, soit à peu près autant que le trafic de drogue. En France, le CREDOC avait estimé en 2009 que 210 000 personnes par an étaient victimes d’un vol d’identité, pour un coût total de 414M d’€.
Notre comportement sur le web est assez similaire à celui des automobilistes dans les années 60. A cette époque, une grande partie de la population découvrait la voiture, qui était alors d’abord perçue comme un instrument de liberté et d’évasion. Les risques n’étaient pas pris en compte à leur juste mesure. On roulait très vite, sans ceinture, dans des voitures peu sécurisées, avec des conséquences néfastes : en 1972, on comptait plus de 16 000 morts par an sur les routes en France. Heureusement des progrès considérables ont été réalisés depuis. En 2014, il y a eu 3 103 morts sur les routes de France. L’État a joué son rôle en menant de nombreuses et coûteuses campagnes de sensibilisation pour le port de la ceinture et contre l’alcool au volant. Les industriels ont construit des voitures plus sûres. Et les particuliers ont pris conscience du danger et modifié leurs comportements.
Nous circulons aujourd’hui sur Internet sans ceinture de sécurité et cela nous met en danger. Il faut s’inspirer de la prévention routière. Quand de nouveaux risques émergent, il faut une action concertée de la part de l’État, des industriels et des particuliers. Si le budget de l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI) a été récemment augmenté, ses missions restent encore très focalisées sur la protection des administrations et des entreprises d’intérêt vital, les fameux OIV. On peut le regretter car certains de nos voisins ont une approche plus ambitieuse. Au Royaume-Uni, la sensibilisation des consommateurs est au cœur de la politique de cyber sécurité. Les programmes Get Safe Online et Cyber Street Wise, financés par le gouvernement britannique, mènent des campagnes de communication pour rappeler les règles de base de la sécurité en ligne, comme l’utilisation de mots de passe forts (composés d’au moins huit caractères alphanumériques) et différents pour chaque site. Les écoliers britanniques sont aussi sensibilisés à la sécurité en ligne grâce à des kits pédagogiques réalisés par le gouvernement. L’État doit financer des campagnes importantes de sensibilisation aux règles de base de la sécurité en ligne et être exemplaire sur l’ensemble des services publics en ligne. Aujourd’hui il n’est par exemple pas possible d’utiliser un mot de passe fort sur le site ameli.fr de la sécurité sociale…
Les sites qui vendent des biens ou services en ligne doivent également s’assurer que leurs clients se connectent de manière sécurisée et utilisent des mots de passe forts. L’étude menée par Dashlane en janvier 2014 avait montré que certains d’entre eux acceptent des mots de passe très peu sécurisés ou les envoient en clair par mail, ce qui est évidemment très dangereux. Enfin, les utilisateurs doivent également se prendre en main. Nous sommes nombreux à savoir que le seul moyen d’éviter à coup sûr les piratages est d’utiliser des mots de passe forts, différents pour chaque site, mais nous ne le faisons pas toujours car nous trouvons cela trop compliqué.
« Quand on peut prévenir c’est faiblesse d’attendre » disait Jean de Rotrou. Nos sociétés modernes ont montré qu’elles pouvaient être fortes faces à certains risques et œuvrer efficacement à les prévenir. Utilisons les mêmes méthodes et attaquons nous sérieusement au problème de la sécurité en ligne ! (Par Guillaume Desnoes, Responsable des marchés européens de Dashlane.)