Une cour d’appel fédérale a annulé cette semaine la peine de cinq ans de probation infligée à Paige Thompson pour le piratage de Capital One. La cour a jugé cette peine « substantiellement déraisonnable » compte tenu des dommages causés.
Paige Thompson, ancienne ingénieure chez Amazon Web Services, avait exploité une faille dans le pare-feu du système de cloud computing de Capital One, accédant ainsi aux données sensibles de 106 millions de clients. Deux des trois juges de la cour d’appel du 9e circuit ont estimé que la sanction initiale était trop clémente par rapport à la gravité des faits.
Un piratage d’une ampleur exceptionnelle
Le piratage orchestré par Paige Thompson en 2019 est considéré comme la deuxième plus grande violation de données de l’histoire des États-Unis à l’époque. En exploitant une mauvaise configuration du pare-feu de Capital One, Thompson a volé des données bancaires, des numéros de sécurité sociale et des informations personnelles appartenant à 106 millions de clients.
L’enquête a révélé que Thompson ne s’était pas arrêtée à Capital One. Les autorités ont découvert plusieurs téraoctets de données supplémentaires volées à plus de 30 autres organisations. Les dommages financiers et réputationnels causés par cette fuite massive sont estimés à des dizaines de millions de dollars.
Le piratage a provoqué des préjudices financiers et émotionnels considérables pour les victimes.
Lors du procès initial en 2022, le juge de district Robert Lasnik avait néanmoins décidé de ne pas infliger une peine d’emprisonnement à Thompson. Il avait pris en compte son parcours personnel, soulignant qu’elle était transgenre, autiste et qu’elle avait été confrontée à des traumatismes importants dans son passé. Le juge Lasnik avait également considéré que le piratage n’avait pas été commis dans une intention malveillante, mais plutôt comme une forme de « tourmente personnelle ».
Cette interprétation a été remise en cause par la cour d’appel, qui a considéré que Thompson avait clairement agi avec préméditation. L’ancienne ingénieure avait en effet revendiqué ses actes sur des forums en ligne et encouragé d’autres hackers à en faire de même.
Une peine jugée trop clémente
Les procureurs fédéraux ont rapidement contesté la peine de probation décidée par le juge Lasnik. Nick Brown, le procureur américain de l’époque, avait déclaré que cette décision ne représentait pas une sanction appropriée face à la gravité des faits.
La juge Danielle Forrest, soutenue par le juge Johnnie Rawlinson, a estimé que le juge de district avait accordé une importance excessive aux circonstances personnelles de Thompson.
« Les parcours personnels doivent être pris en compte dans la détermination d’une peine, mais ils ne peuvent pas constituer l’unique base d’une condamnation aussi clémente dans un dossier de cette gravité », a écrit la juge Forrest dans la décision.
La cour a également contesté l’idée selon laquelle le piratage n’était pas malveillant. La décision précise que Thompson a montré peu de remords après son acte et a plutôt cherché à mettre en avant l’incompétence de Capital One. Elle aurait même encouragé d’autres hackers à exploiter des failles similaires.
Cependant, la juge Jennifer Sung, qui a exprimé une opinion dissidente, a estimé que la peine initiale n’était pas entachée d’une erreur de procédure. Selon elle, le juge Lasnik avait légitimement pris en compte la situation personnelle de Thompson et les potentielles difficultés qu’elle pourrait rencontrer en prison en tant que personne transgenre.
Une décision aux implications plus larges
L’affaire Thompson dépasse le cadre du simple jugement individuel. Le Centre pour la politique et le droit de la cybersécurité a déposé un mémoire en soutien à l’appel du gouvernement, soulignant les risques pour la recherche en cybersécurité.
Le Centre a insisté sur la nécessité de maintenir une distinction claire entre la recherche éthique en cybersécurité et les actes criminels comme ceux de Thompson. Il a averti que l’assimilation des deux pourrait fragiliser la confiance entre les chercheurs en sécurité, le secteur privé et les institutions gouvernementales. La cour d’appel n’a pas directement abordé cette question dans sa décision. Toutefois, la reconnaissance explicite par le tribunal que le comportement de Thompson ne relevait pas de la recherche en sécurité de bonne foi pourrait influencer les futures affaires de cybersécurité.
L’affaire est désormais renvoyée devant le tribunal de district pour une nouvelle détermination de la peine. La question centrale sera de savoir si la reconnaissance des circonstances personnelles de Thompson doit continuer à influencer la sentence ou si la gravité des actes justifie une peine plus lourde.