Guillaume Poupard, directeur de l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI) place les élections comme un risque majeur de cyberattaques. Des présidentielles, aux sénatoriales, en passant par les municipales, les opportunités sont multiples pour les cybercriminels ; comme l’a indiqué récemment dans une interview, l’ex-faussaire et consultant du FBI, Franck Abagnale Junior, avec internet, la cybercriminalité est aujourd’hui sans frontières. Forts de l’expérience des élections de 2016 – 2017 ciblées par de nombreux pirates et face au risque que cela perdure, les Etats doivent plus que jamais redoubler de vigilance.
A l’approche des élections présidentielles américaines, le 3 novembre prochain, les avertissements de l’ANSSI sont plus que jamais à prendre au sérieux, et peuvent servir de piqûre de rappel pour celles à venir en France afin d’anticiper les potentielles menaces. Alors que les campagnes de désinformation font l’objet d’une grande attention en matière de sécurité en période électorale, le déni de service distribué (DDoS) peut entraver la disponibilité des informations. Cette situation peut se révéler tout aussi dangereuse, voire plus. Il existe deux temps où la disponibilité des informations est essentielle et durant lesquels une attaque pourrait mettre à mal l’élection : l’inscription en ligne des électeurs sur les listes et la publication des résultats des élections.
D’après le manuel du Center for Internet Security (CSI) sur la sécurité des infrastructures électorales, la possibilité d’accéder aux systèmes d’inscription des électeurs par internet a renforcé leur vulnérabilité face aux attaques à distance, destinées à manipuler ces systèmes. Les États-nations, par exemple, pourraient accéder aux bases de données d’inscription des électeurs et les compromettre afin d’empêcher les électeurs légitimement inscrits de voter le jour des élections — une pratique qui s’est par ailleurs déjà concrétisée. En France, les listes électorales sont désormais numériques et très surveillées. Cela permet d’éviter que l’élection soit décrédibilisée par des attaques qui supprimeraient des noms ou empêcheraient de correctement imprimer les listes. La maîtrise de ce type de menaces constitue une priorité absolue pour renforcer la résilience de ces composants en matière de sécurité.
La publication des résultats des élections le soir du scrutin constitue également un sujet de préoccupation. C’est la raison pour laquelle Google a souhaité protéger les candidats des dernières élections du Parlement Européen face à ces potentielles menaces, en donnant accès aux partis politiques à un package empêchant l’arrêt d’un site internet à la suite d’une attaque DDoS. Or, les cybercriminels pourraient aller encore plus loin, en obtenant par exemple l’accès aux systèmes de publication des votes le soir du scrutin, afin de modifier les résultats affichés ; ils pourraient ainsi faire du véritable vainqueur de l’élection, le perdant et saper ainsi la confiance des électeurs.
Les administrateurs doivent ainsi définir une stratégie d’atténuation des attaques DDoS en amont des élections afin d’en assurer la protection. Pour ce faire, il est important qu’ils évaluent le paysage des attaques de déni de service distribué de l’infrastructure électorale et élaborent un plan d’atténuation d’urgence. L’établissement de partenariats pérennes avec un fournisseur de services réseau et un spécialiste de la prévention DDoS permettra également de renforcer la sécurité des élections.
La protection de la démocratie passe avant tout par la protection des élections. Les motivations de telles attaques peuvent être diverses mais les Etats doivent partir du principe que les élections seront victimes de cyberattaques, afin de ne plus être pris par surprise. Il est donc plus que jamais essentiel qu’ils anticipent les menaces afin de garder une longueur d’avance sur les cybercriminels et ainsi protéger la voix des citoyens. (Philippe Alcoy, NETSCOUT)