Cybersécurité IA

Données et intelligence artificielle : un duo sous haute surveillance

La dernière étude de Cisco révèle une confiance accrue dans la protection des données, mais pointe les tensions croissantes entre souveraineté numérique, innovation et gouvernance de l’IA.

La dernière étude de Cisco révèle une confiance accrue dans la protection des données, mais pointe les tensions croissantes entre souveraineté numérique, innovation et gouvernance de l’IA.

Alors que l’intelligence artificielle transforme en profondeur les pratiques numériques, la protection des données personnelles se positionne plus que jamais comme un enjeu stratégique. Dans son “Data Privacy Benchmark 2025”, Cisco explore un équilibre fragile : celui entre la promesse d’une IA performante et les exigences d’une confidentialité renforcée. Réalisée auprès de 2 600 professionnels dans 12 pays, l’étude confirme un paysage en pleine mutation, tiraillé entre prudence réglementaire, volonté de souveraineté et dépendance à l’expertise technologique mondiale. Si la confiance envers les fournisseurs de solutions globales semble s’intensifier, les craintes entourant les dérives potentielles de l’IA, notamment générative, rappellent la nécessité impérieuse d’une gouvernance responsable.

La souveraineté numérique à l’épreuve de la mondialisation

Les résultats du rapport 2025 de Cisco témoignent d’un paradoxe bien réel : les entreprises plébiscitent la localisation des données pour des raisons de sécurité, tout en continuant de faire confiance à des acteurs mondiaux pour leur traitement. En effet, 91 % des organisations interrogées estiment que stocker les données localement renforce leur sécurité, malgré les coûts supplémentaires que cela implique. Dans le même temps, 90 % reconnaissent la fiabilité des fournisseurs globaux pour garantir la confidentialité de leurs données. Ce double constat illustre la complexité du contexte actuel, dans lequel la souveraineté numérique cohabite difficilement avec la logique d’un cloud globalisé.

La dynamique va plus loin qu’un simple enjeu de contrôle. Elle reflète aussi une stratégie de reconquête de la confiance des clients. Comme le souligne Harvey Jang, Directeur de la confidentialité chez Cisco, « l’engouement pour la localisation traduit une volonté affirmée de reprendre le contrôle. Mais une économie numérique performante repose aussi sur des échanges fluides et sécurisés à l’échelle mondiale ». Des initiatives comme le Global Cross-Border Privacy Rules Forum apparaissent alors comme des mécanismes essentiels pour concilier interopérabilité, respect des lois nationales et compétitivité internationale.

La réglementation comme levier d’innovation

Contrairement aux idées reçues, la réglementation sur la confidentialité ne freine pas l’innovation : elle l’encadre. Et pour beaucoup d’entreprises, elle s’impose même comme un facteur de performance. Le benchmark 2025 souligne ainsi que 85 % des répondants considèrent que les lois sur la protection des données ont un impact positif sur leur activité. Mieux encore, 95 % affirment que les investissements en matière de confidentialité se révèlent rentables, tant sur le plan de la sécurité que de la fidélisation client.

En France, cette tendance s’ancre dans une réalité culturelle et politique plus large. D’après l’édition 2024 de l’enquête Cisco sur la vie privée des consommateurs, 73 % des Français déclarent connaître les lois en matière de confidentialité — un taux largement supérieur à la moyenne mondiale. Plus révélateur encore, 92 % estiment que ces lois sont efficaces pour protéger leurs données personnelles. Ces chiffres témoignent d’un environnement où la conscience citoyenne et la régulation vont de pair, imposant aux entreprises une rigueur accrue… mais aussi une opportunité de renforcer leur capital confiance.

95 % des entreprises interrogées considèrent que leurs investissements en protection des données sont rentables, bien au-delà des exigences de conformité.

L’IA générative, une avancée technologique sous surveillance

Avec la montée en puissance de l’IA générative, un nouveau front s’ouvre pour les responsables de la sécurité des données. Si cette technologie est perçue comme un levier d’accélération, elle suscite également des inquiétudes croissantes : fuites de données, mésusages, intrusions involontaires… Le rapport de Cisco montre que seules 48 % des entreprises françaises se déclarent très familières avec l’IA générative, un chiffre qui traduit à la fois la jeunesse de cette technologie et la prudence avec laquelle elle est accueillie.

Les inquiétudes ne sont pas infondées : 70 % des professionnels interrogés redoutent des fuites accidentelles de données sensibles via des outils d’IA. Un tiers d’entre eux reconnaissent même avoir déjà saisi des informations confidentielles dans ces interfaces.

Gouverner l’intelligence artificielle par la donnée

Le virage vers l’intelligence artificielle n’est plus une hypothèse, mais une certitude. Cisco prévoit un quasi-doublement des budgets informatiques consacrés à l’IA dans les mois à venir. Ce redéploiement s’accompagne d’un transfert stratégique : 97 % des répondants envisagent de réaffecter une partie de leur budget dédié à la confidentialité vers des initiatives IA. Ce mouvement n’est pas un désengagement, mais une évolution : gouverner l’IA, c’est désormais garantir la confidentialité par la conception.

Cette perspective est portée par une vision de long terme, dans laquelle les outils d’IA ne peuvent se déployer qu’à la condition d’être régulés et maîtrisés. L’intelligence artificielle ne remplace pas la gouvernance, elle la complexifie. Les entreprises doivent ainsi bâtir des structures hybrides, capables d’intégrer à la fois les impératifs réglementaires, les exigences technologiques et les attentes sociétales. Cette transversalité redéfinit le rôle des équipes sécurité et juridique, qui deviennent des acteurs clés de l’innovation responsable.

Une équation à plusieurs inconnues

À l’échelle internationale, l’étude de Cisco offre un instantané précieux d’un écosystème en pleine transformation. Les lignes bougent, les certitudes vacillent. Alors que les données deviennent le carburant de l’économie numérique, leur protection ne relève plus uniquement de la conformité légale, mais d’un véritable projet d’entreprise. Dans cette équation, chaque acteur — décideur, technicien, juriste, utilisateur — détient une partie de la solution.

Le défi des prochaines années sera donc de conjuguer plusieurs impératifs : localiser sans isoler, innover sans exposer, automatiser sans déresponsabiliser. Car la confidentialité des données, loin d’être un frein, peut devenir un accélérateur de transformation — à condition de la penser comme une démarche globale, éthique et transparente.

Dans un monde de plus en plus piloté par des algorithmes, la confiance reste le meilleur des algorithmes.

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