La réutilisation de clés SSH (Secure Shell) n’a rien de nouveau, c’est un phénomène que nous avons déjà observé dans le passé. Pour preuve, en 2013, les médias révélaient que des cybercriminels avaient profité de la vulnérabilité d’une clé SSH pour bénéficier d’un accès root aux équipements exécutant l’EAS (Emergency Alert System) aux États-Unis. Par Kevin Bocek, Vice President of Security Strategy & Threat Intelligence chez Venafi.
Le protocole SSH ayant pour mission de sécuriser les communications entre les ressources numériques les plus stratégiques et les plus précieuses d’une entreprise, il n’est guère étonnant que des cybercriminels veuillent dérober, déchiffrer ou autrement compromettre les clés cryptographiques sur lesquelles il repose. Les accès SSH sont tous tributaires d’une administration et d’une sécurisation adaptées des clés SSH. En l’absence de projet sérieux en la matière, votre établissement court un risque.
La compromission d’un procédé cryptographique au travers d’une clé SSH est, de loin, l’un des pires scénarios pour une entreprise. À partir du moment où un pirate possède un accès de niveau root, autrement dit un accès privilégié, il détient les clés lui permettant de prendre le contrôle d’un réseau ou d’un système complet pour le compromettre à sa guise. La plupart des professionnels de l’informatique et de la sécurité ne prennent pas conscience que les clés SSH en plus de fournir un accès de niveau root n’expirent pas. Par conséquent, à partir du moment où un pirate a dérobé une clé SSH, il disposera perpétuellement d’un accès par un moyen ou un autre. Il est donc primordial que les entreprises agissent aujourd’hui pour protéger leurs clés SSH.
Une étude(1) révèle que 3 acteurs du classement Global2000 sur 4 ne disposent d’aucun système de sécurité pour le protocole SSH, ce qui laisse ainsi la porte ouverte aux piratages, accès de niveau root et compromissions de données, et près de la moitié de l’ensemble des entreprises n’opèrent jamais de rotation ni ne changent leurs clés SSH. Ce faisant, leurs réseaux, serveurs et systèmes cloud deviennent la proie d’acteurs malveillants dès l’instant où ces clés SSH sont dérobées et utilisées de manière abusive.
Parce que le protocole SSH joue un rôle essentiel dans la sécurisation de l’accès administratif et automatisé à un large éventail de systèmes au sein d’établissements de toutes tailles, il est essentiel de disposer d’un ensemble très complet de chartes, processus et contrôles techniques pour gérer et superviser la configuration et les clés SSH. Il est donc important de sensibiliser à l’importance de sécuriser et de protéger ces clés SSH. Première action décisive que doivent engager les entreprises : maîtriser les clés dont elles ont l’usage – non seulement au niveau des systèmes et des logiciels installés, mais aussi des appliances réseau employées.
Le NIST(2) (National Institute of Standards and Technology) a publié récemment une nouvelle publication, « Security of Interactive and Automated Access Management using Secure Shell (SSH) » qui analyse plusieurs aspects décisifs du protocole SSH, notamment ses technologies sous-jacentes, vulnérabilités inhérentes ainsi que les meilleures pratiques appliquées à la gestion de clés SSH tout au long de leur cycle de vie. Ce rapport(3) sensibilise aux principales vulnérabilités associées à la gestion des clés SSH et de présenter des mesures concrètes pour sécuriser et protéger les systèmes et environnements SSH.
Parmi les quelques compromissions SSH notables ces dernières années figurent celles ci-après :
En 2014, Kaspersky Labs a mis au jour une cybermenace baptisée The Mask (ou Careto) qui a sévi sept années durant lesquelles un groupe criminel organisé en Espagne a multiplié les techniques pour mener des attaques de type APT visant à dérober des données à des administrations et des entreprises. Ce groupe s’emparait de clés SSH servant à l’authentification d’administrateurs, de serveurs, de machines virtuelles et de services cloud.
En juin 2015, Cisco a annoncé qu’une clé SSH autorisée par défaut était déployée sur trois de ses appliances de sécurité, exposant ainsi ses clients au risque de voir un pirate distant non authentifié intercepter du trafic ou accéder à des systèmes vulnérables au moyen de privilèges root.
La publication du NIST expose plusieurs vulnérabilités SSH courantes au sein des entreprises, à savoir :
– Implémentation SSH vulnérable
– Contrôles d’accès mal configurés
– Vol, fuite, détournement et non révocation de clés SSH
– Portes dérobées (clés utilisateurs non contrôlées)
– Utilisation indésirable des clés utilisateurs
– Rotation
– Déficit de connaissances et erreurs humaines
Le NIST recommande plusieurs mesures pour gérer les clés SSH, à savoir :
– Définir des principes et pratiques applicables au cycle de vie et à la révocation de clés SSH. La configuration de l’accès à un compte dans l’optique de faciliter les échanges avec les utilisateurs et d’automatiser les processus doit être une décision mûrement réfléchie, conciliant au mieux impératifs d’accessibilité et risques, qui doit tenir compte du niveau d’accès requis.
– Instaurer des procédures de contrôle et de surveillance continue. La surveillance continue a pour objet de faire en sorte que les procédures d’allocation, de gestion du cycle de vie et de révocation soient observées et appliquées. Des clés SSH non autorisées et mal configurées seront détectées.
– Inventorier les serveurs et clés SSH ainsi que les relations de confiance, et remédier aux problèmes éventuels. Les clés existantes au format propriétaire posent un réel problème de sécurité et compliquent l’analyse des risques si elles ne sont pas maîtrisées. L’emplacement de toutes les clés SSH existantes doit être inventorié, au même titre que les relations de confiance, qu’il convient d’évaluer à l’aune de politiques bien définies.
– Automatiser les processus. L’automatisation des processus relevant de la gestion des accès à partir de clés SSH est de nature à améliorer considérablement la sécurité, l’efficacité et la disponibilité.
– Sensibiliser la direction. Nombre de hauts responsables ne sont conscients ni du rôle central joué par les clés SSH dans le mode opératoire d’une infrastructure stratégique, ni des failles importantes susceptibles d’apparaître si celles-ci sont détournées. Sans formation suffisante des responsables opérationnels et chargés de sécurité, les initiatives de gestion des clés SSH risquent d’être évincées par des priorités de degré plus élevé, rendant ainsi l’entreprise plus vulnérable.
1 : Enquête 2015 Cost of Failed Trust Report publiée en mars dernier par Ponemon Institute et Venafi.
2 : Fondé en 1901, le NIST est une agence fédérale non réglementaire qui relève de l’administration de la technologie du département du Commerce des États-Unis.
3 : Co-signé par Venafi.