Archives de catégorie : Cybersécurité

Actualités liées à la CyberSecurité.

Le grand bluff du SEO : comment des pirates manipulent Google pour créer de fausses marques influentes

Data Security Breach dévoile une méthode de manipulation SEO qui permet à des pirates de créer de toutes pièces des marques fictives et de les propulser artificiellement sur Google, générant ainsi revenus et fausse crédibilité.

Dans l’univers feutré mais redoutable du référencement en ligne, une méthode aux allures d’illusionnisme numérique fait parler d’elle. Baptisée MeatHead 2.0, cette stratégie revisitée d’un vieux procédé de spam marketing, permet à des cyber-entrepreneurs peu scrupuleux de construire de faux sites d’affiliation, puis d’imposer leur présence en tête des résultats Google. Le tout, sans backlinks coûteux ni campagnes publicitaires classiques. Grâce à un savant mélange de contenus postés sur des plateformes de confiance, de commentaires trompeurs et d’avis fictifs, ces pseudo-marques apparaissent comme légitimes aux yeux des internautes — et surtout de Google. Enquête sur une nouvelle frontière du black hat SEO où la crédibilité s’achète avec du vent.

L’illusion d’une notoriété : bâtir du vide qui rapporte

À première vue, le procédé pourrait sembler banal. Créer un site d’affiliation, inventer un produit fictif, publier quelques contenus… sauf que la stratégie est d’une redoutable efficacité car elle repose non pas sur le référencement traditionnel, mais sur la simulation d’un engouement viral. Le pirate, qui se cache derrière un pseudonyme, a choisi de nommer son produit imaginaire « 92829 », un prétendu complément cérébral. Aucun laboratoire, aucune étude, aucune existence légale ne le valide. Pourtant, lorsqu’un internaute tape ce nom dans Google, une avalanche de contenus rassurants et enthousiastes surgit.

Des articles Medium et Notion, des présentations sur SlideShare, des discussions Reddit et Quora, des avis Trustpilot truqués : tout converge vers un unique but — convaincre que 92829 est la dernière tendance en matière de musique. Et tout cela, en ne plaçant jamais le lien du site de vente dans les commentaires. Le génie de la méthode réside précisément là : faire croire à l’utilisateur qu’il découvre le produit par lui-même. L’effet est saisissant. Ce qui semble être une tendance authentique est en fait un décor de théâtre.

Le pirate n’essaie plus de référencer son site. Il transforme Google en complice d’un faux buzz savamment orchestré.

Le SEO artificiel : forcer l’autorité par la crédibilité feinte

Le cœur de la stratégie repose sur un concept que son concepteur appelle le « SEO artificiel ». Loin des techniques classiques qui nécessitent des mois de travail pour gagner la confiance des moteurs de recherche, cette méthode consiste à injecter directement des éléments de preuve sociale dans les zones les plus sensibles de l’algorithme : Reddit, Medium, YouTube, Quora, et autres sites très bien référencés. Les publications sont construites pour imiter un dialogue réel, un témoignage personnel, une anecdote sincère. À aucun moment, elles ne paraissent commerciales ou orientées.

En évoquant 92829 de façon subtile, sans lien ni appel à l’action évident, les pirates jouent sur le réflexe de curiosité naturelle des internautes. Et quand ces derniers lancent une recherche, ils tombent sur un écosystème entièrement artificiel, mais visuellement convaincant. Tous les chemins mènent alors à un unique site d’affiliation, déguisé en vitrine produit. Une fois sur place, le visiteur, rassuré par ce qu’il a vu, clique, achète, et se retrouve sans le savoir acteur d’une fraude informationnelle bien huilée.

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Les outils de la supercherie : plateforme par plateforme

La réussite de cette méthode repose sur l’utilisation méthodique de plateformes populaires et bien référencées. Un site Google, simple à créer et rapidement indexé, sert de première accroche. Il donne un vernis « objectif » à l’analyse. Puis viennent les témoignages déguisés sur Notion, présentés comme des journaux intimes d’étudiants ou de jeunes actifs. Sur Medium, les articles se font passer pour des récits de transformation de vie, racontant le passage du Modafinil à 92829.

Sur Reddit, les conversations sont soigneusement scénarisées : un faux utilisateur pose une question anodine, un autre, souvent la même personne, y répond avec enthousiasme, d’autres comptes interviennent pour renforcer la crédibilité. Le ton est toujours mesuré, jamais trop enthousiaste pour éviter la suspicion. Enfin, sur Trustpilot, une avalanche d’avis 5 étoiles complète le tableau. Cette accumulation de signaux positifs force l’algorithme de Google à croire à la légitimité du produit.

En une recherche Google, l’internaute est confronté à un miroir déformant où chaque reflet confirme ce qu’il n’a pas encore décidé de croire.

Un écosystème de l’illusion, pensé pour durer

La force de la méthode MeatHead 2.0, dans sa version 2025, réside dans sa pérennité. Une fois les contenus publiés, ils demeurent souvent en ligne pendant des années, générant un flux régulier de trafic. L’auteur affirme avoir gagné plus de 21 000 $ (environ 19 500 €) en deux ans grâce à un seul de ces sites. Et ce, sans jamais le mettre à jour. Les commentaires laissés dans les vidéos TikTok, les forums Discord ou les chaînes YouTube alimentent un brouhaha constant qui entretient l’illusion d’un bouche-à-oreille naturel.

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Dans le jargon des référenceurs, on parle de « marque blanche instantanée » : une entité sans substance réelle, mais dont la présence numérique suffit à lui créer un marché. L’internaute, perdu dans cette constellation de signaux positifs, ne soupçonne pas qu’il est en train de réagir à une mise en scène orchestrée de toutes pièces. Il achète, convaincu d’avoir fait un choix informé. Ce qu’il voit n’est pas un produit, c’est une fiction de produit, portée par une fiction de communauté.

Une stratégie à la frontière de la légalité

La méthode MeatHead 2.0 n’est pas simplement amorale : elle flirte dangereusement avec la légalité. Usurpation d’identité d’entreprise, manipulation de la preuve sociale, diffusion de fausses informations commerciales… les fondements juridiques de cette stratégie sont fragiles. Pourtant, dans les interstices du web, là où la régulation peine à suivre l’inventivité des pirates, ces pratiques prospèrent. Les plateformes concernées, bien qu’averties, n’ont pas les moyens de détecter chaque faux commentaire, chaque faux profil, chaque critique déguisée.

La lutte contre ce type de manipulation repose sur un équilibre délicat entre modération algorithmique et vérification humaine. Mais tant que le système repose sur la confiance dans les signaux communautaires, ces attaques réussiront à se faufiler. Le pirate n’attaque pas frontalement Google ; il le trompe, l’utilise, le rend complice involontaire de ses profits. Et ce faisant, il remet en question la capacité même du web à séparer le vrai du faux.

À l’heure où la confiance numérique devient un enjeu majeur, la méthode MeatHead 2.0 révèle une faille préoccupante dans l’architecture du référencement web. Si une marque peut être inventée et rendue crédible par quelques contenus habiles, quelle valeur accorder à ce que nous voyons en ligne ? Et demain, qui fabriquera notre réalité numérique ?

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Un malware dans la brèche : comment la faille BYOI a contourné la protection SentinelOne

Une faille critique dans un outil de cybersécurité de pointe a permis à des cybercriminels d’infiltrer des systèmes protégés. Et cette fois, ils n’ont même pas eu besoin d’un logiciel malveillant sophistiqué.

Début 2025, l’équipe Stroz Friedberg d’Aon, spécialisée dans l’investigation numérique post-incident, a révélé une technique d’intrusion particulièrement ingénieuse exploitant une faiblesse dans le processus de mise à jour du logiciel SentinelOne, un des leaders mondiaux des solutions EDR (Endpoint Detection and Response).

Baptisée BYOI (Bring Your Own Installer) cette méthode permet aux hackers malveillants de contourner la protection normalement très rigoureuse des agents de sécurité SentinelOne. Le plus troublant : ils utilisent l’installateur légitime du logiciel lui-même, sans injecter de code malveillant tiers ni manipuler de pilotes suspects.

Quand l’outil de défense devient une porte d’entrée

L’affaire débute lors de l’analyse d’un incident sur un réseau d’entreprise compromis. Les enquêteurs de Stroz Friedberg découvrent que les cybercriminels ont utilisé un installeur authentique de SentinelOne pour lancer leur attaque. En interrompant le processus d’installation au moment précis où les services système sont temporairement désactivés, les pirates ont pu désactiver brièvement la protection sans être détectés. C’est pendant cette fenêtre critique, avant la fin de l’installation, qu’ils ont activé un ransomware sur la machine cible.

Ce contournement ne nécessite ni élévation supplémentaire de privilèges ni l’injection d’éléments suspects. Tout repose sur l’exploitation minutieuse d’un comportement du logiciel de sécurité lui-même. La clé : des droits administratifs déjà obtenus, souvent grâce à une vulnérabilité préalable dans l’infrastructure du client.

Aucun composant malveillant détecté : un cauchemar pour les SOC

L’un des aspects les plus déconcertants de cette méthode est sa discrétion. Contrairement aux attaques habituelles contre les solutions EDR, elle ne laisse pas de trace évidente. Aucun composant externe, aucun fichier douteux à analyser, juste un installateur signé et une séquence bien orchestrée. C’est un cauchemar pour les centres opérationnels de sécurité (SOC) qui s’appuient sur des alertes comportementales ou la détection d’artefacts malveillants.

Selon leurs conclusions, la faille est présente dans de nombreuses versions du logiciel SentinelOne et ne dépend pas d’un patch ou d’une configuration spécifique. Cela signifie que sans mesure proactive, de nombreux systèmes restent vulnérables.

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Un paramètre critique… désactivé par défaut

Informée de la situation, SentinelOne a réagi rapidement. Un correctif n’étant pas suffisant pour pallier une faille procédurale, l’éditeur a recommandé aux clients d’activer l’option « Online Authorization ». Cette fonctionnalité, désactivée par défaut, impose une validation depuis la console de gestion avant toute modification importante de l’agent : installation, désinstallation ou rétrogradation.

Mais malgré la diffusion de cette consigne de sécurité essentielle, les chercheurs de Stroz Friedberg ont constaté lors de leurs tests que nombre d’organisations n’avaient pas appliqué cette recommandation. Faute de cette protection, la brèche reste ouverte. Autrement dit, même après la médiatisation du risque, les attaquants peuvent toujours l’exploiter dans des infrastructures mal configurées.

Certaines entreprises n’ont toujours pas activé l’option de validation en ligne, maintenant ainsi une vulnérabilité connue dans leurs systèmes.

L’éditeur SentinelOne a également partagé les détails techniques de la faille avec d’autres acteurs majeurs du secteur EDR pour limiter les risques de reproduction du scénario dans d’autres environnements. Car si l’approche BYOI s’avère efficace contre un géant comme SentinelOne, elle pourrait potentiellement être adaptée à d’autres logiciels similaires, si ceux-ci ne vérifient pas rigoureusement l’intégrité des processus d’installation.

Des leçons amères pour la cybersécurité d’entreprise

Cette affaire illustre avec force un principe trop souvent négligé en cybersécurité : la confiance dans les composants « légitimes » ne suffit pas. Le simple fait qu’un logiciel soit signé, officiel et éprouvé ne garantit pas qu’il ne puisse pas être détourné à des fins malveillantes.

En l’occurrence, les attaquants ont su repérer un moment précis de vulnérabilité transitoire – un court instant où la protection est suspendue pour faciliter une mise à jour, et en tirer parti. Ce type d’attaque, qui repose plus sur l’ingéniosité que sur l’arsenal technique, s’inscrit dans une tendance croissante de détournement des processus systèmes ou applicatifs standard. On l’observe déjà dans les attaques de type living off the land (LOL), où les outils Windows natifs sont utilisés à des fins malveillantes.

Avec BYOI, cette logique franchit une nouvelle étape. Non seulement l’attaquant n’utilise pas d’outil externe, mais il détourne précisément le mécanisme censé renforcer la sécurité du système. Le fait que la faille soit indépendante de la version du logiciel amplifie le risque.

Un signal d’alarme pour les administrateurs IT

Si la réactivité de SentinelOne est à saluer, la véritable faiblesse mise en lumière ici est humaine. Une simple option à activer, une case à cocher, suffisait à bloquer l’attaque. Mais comme souvent, par manque d’information, de vigilance ou de priorisation, cette mesure n’a pas été mise en œuvre dans toutes les entreprises concernées.

Cela renvoie à un enjeu fondamental : la gestion de la configuration et la gouvernance de la sécurité. Dans un monde où les attaques deviennent de plus en plus furtives, les protections les plus efficaces ne sont rien sans une bonne hygiène de configuration.

D’autant plus que les campagnes de ransomwares continuent de cibler les entreprises de toute taille, avec des demandes de rançon atteignant parfois plusieurs millions de dollars (soit plusieurs millions d’euros), et des conséquences opérationnelles graves, voire paralysantes.

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Un avenir où chaque installateur sera suspect ?

La technique BYOI s’ajoute à une liste déjà longue de stratégies sophistiquées de contournement des systèmes de défense. Si elle est aujourd’hui maîtrisée grâce aux mesures proposées par SentinelOne, elle pourrait bien inspirer d’autres cybercriminels, adaptant le concept à d’autres outils de sécurité.

En cybersécurité, l’innovation n’est pas l’apanage des défenseurs. Chaque faille exploitée rappelle l’importance de combiner rigueur opérationnelle, veille constante et collaboration sectorielle. Car si les outils deviennent la cible, alors les méthodes de sécurisation doivent aller au-delà de la simple détection d’anomalies.

Dans ce contexte, comment garantir la confiance dans les outils censés protéger les systèmes, lorsque ceux-ci peuvent eux-mêmes devenir des vecteurs d’attaque ?

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Microsoft enterre le mot de passe

Microsoft franchit une nouvelle étape dans la sécurité numérique : désormais, tous les nouveaux comptes seront créés sans mot de passe par défaut.

La firme de Redmond poursuit sa révolution en matière de cybersécurité. À l’heure où les cyberattaques deviennent de plus en plus sophistiquées, Microsoft entend bien se positionner à l’avant-garde d’une nouvelle ère sans mot de passe. Depuis mars, l’entreprise a commencé à déployer une interface de connexion repensée, pensée pour une authentification plus fluide, plus rapide, et surtout plus sûre. Désormais, tous les nouveaux comptes Microsoft seront créés sans mot de passe par défaut, une décision stratégique destinée à limiter drastiquement les attaques par hameçonnage, la force brute ou le bourrage d’identifiants. Une transformation majeure qui pourrait bien signer la fin du règne du mot de passe.

Dans les coulisses de cette évolution, un constat simple : les mots de passe ne sont plus adaptés à la menace. Ils sont oubliés, réutilisés, faibles ou partagés. Et, surtout, ils sont devenus une cible de choix pour les cybercriminels. En s’appuyant sur les clés d’accès – ces identifiants chiffrés et biométriques intégrés aux appareils modernes – Microsoft propose une alternative plus sécurisée, mais aussi plus intuitive. Grâce à cette technologie, l’utilisateur pourra se connecter avec son empreinte digitale, la reconnaissance faciale ou un code PIN local, sans jamais avoir à saisir un mot de passe classique. Ce changement, qui commence avec les nouveaux comptes, s’étendra aussi aux utilisateurs existants, qui pourront choisir de supprimer définitivement leur mot de passe depuis les paramètres de leur compte.

Dans une déclaration conjointe, Joy Chik, présidente de l’identité et de l’accès réseau chez Microsoft, et Vasu Jakkal, vice-président de la sécurité, expliquent que cette simplification de l’expérience utilisateur s’inscrit dans une vision à long terme. Microsoft veut encourager une adoption massive des passkeys, en les rendant non seulement plus sécurisées, mais également plus simples à utiliser au quotidien. Dès la première connexion, les utilisateurs seront incités à créer leur propre clé d’accès, qui leur permettra ensuite de se reconnecter rapidement et en toute sécurité, sans manipulation fastidieuse.

Les nouveaux utilisateurs disposeront de plusieurs options pour se connecter à leur compte sans mot de passe, et n’auront plus besoin d’en saisir un.

Ce changement de paradigme ne se limite pas à un simple ajustement ergonomique. Il répond à une problématique de fond : celle de la protection des données personnelles dans un environnement numérique où les menaces se multiplient. Le bourrage d’identifiants, technique consistant à tester en masse des combinaisons d’identifiants dérobés, représente à lui seul un des vecteurs d’attaque les plus fréquents. Supprimer les mots de passe, c’est donc aussi priver les hackers de leur outil principal.

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Dans ce contexte, les passkeys apparaissent comme un standard d’avenir. Basées sur le protocole FIDO2, soutenu par des acteurs majeurs comme Apple, Google ou Microsoft, ces clés numériques lient l’identifiant à l’appareil de l’utilisateur et ne quittent jamais ce dernier. Ainsi, même en cas de compromission d’un serveur, aucune information exploitable ne peut être réutilisée ailleurs. Un bond en avant en termes de sécurité, mais aussi de praticité, puisque ces systèmes permettent une connexion quasi instantanée, sans effort cognitif.

Selon les données internes partagées par Microsoft, les premières phases de test ont déjà démontré une adoption prometteuse. En réduisant l’usage du mot de passe de plus de 20 %, la firme indique que les utilisateurs sont non seulement plus enclins à opter pour une clé d’accès, mais qu’ils apprécient également une expérience de connexion plus fluide. Un indicateur clé alors que l’entreprise prépare la disparition progressive du mot de passe traditionnel à moyen terme.

« À mesure que davantage de personnes utilisent Passkey, le nombre d’authentifications par mot de passe continuera de diminuer jusqu’à ce que nous puissions progressivement supprimer complètement la prise en charge des mots de passe.« 

Mais ce tournant pose aussi des questions essentielles. Quels sont les risques si l’appareil biométrique est volé ou compromis ? Que se passe-t-il en cas de perte d’accès physique à son téléphone ou à son ordinateur ? Microsoft, tout comme les autres membres de l’Alliance FIDO, assure avoir intégré des mécanismes de récupération robustes, via des sauvegardes chiffrées dans le cloud, des options secondaires d’authentification ou des dispositifs de secours. Toutefois, l’adhésion massive à ce modèle dépendra de la capacité des entreprises à convaincre le grand public que la sécurité est non seulement renforcée, mais aussi durable et résiliente face à de nouveaux types de menaces.

L’initiative de Microsoft intervient dans un contexte où la guerre contre les mots de passe s’intensifie. Apple, de son côté, a intégré les passkeys à ses systèmes iOS et macOS, permettant une synchronisation entre les appareils via le trousseau iCloud. Google a également activé par défaut la connexion par clé d’accès sur ses services phares, tels que Gmail et YouTube. Ensemble, ces géants du numérique tentent d’imposer une norme mondiale qui mettrait fin aux pratiques actuelles jugées obsolètes.

La dimension économique n’est pas à négliger. La cybersécurité représente un marché colossal, estimé à plus de 170 milliards d’euros en 2024. En s’engageant dans cette voie, Microsoft entend se positionner comme leader d’une nouvelle génération de solutions de sécurité intégrées. La suppression du mot de passe s’inscrit ainsi dans une stratégie plus large, qui mise sur l’intelligence artificielle, la protection proactive des identités numériques et une architecture « zero trust », où chaque connexion est vérifiée indépendamment du contexte.

Mais l’entreprise devra relever plusieurs défis : assurer la compatibilité avec l’ensemble de l’écosystème numérique, convaincre les utilisateurs réticents au changement, et garantir une continuité de service même en cas de perte ou de dysfonctionnement des dispositifs d’authentification biométrique. Autant de conditions indispensables pour que cette transition vers un monde sans mot de passe ne devienne pas une source de frustration, mais bien une avancée tangible vers un internet plus sûr.

Microsoft ouvre donc un nouveau chapitre de l’histoire numérique, dans lequel le mot de passe, pilier de la cybersécurité depuis plus d’un demi-siècle, pourrait devenir un vestige du passé. Une révolution discrète mais déterminante, qui pourrait redéfinir nos usages quotidiens et notre rapport à l’identité numérique.

Alors que les autres grands acteurs du numérique suivent la même trajectoire, une question demeure : les utilisateurs sont-ils prêts à abandonner définitivement le mot de passe au profit d’un futur biométrique ? Perdre un mot de passe est certes gênant, mais se remplace ! Se faire voler sa personne numérique, est une toute autre histoire.

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Les failles invisibles : la menace persistante des vulnérabilités zero-day

Les failles zero-day continuent de menacer la cybersécurité mondiale : en 2024, 75 vulnérabilités inédites ont été exploitées, principalement à des fins de cyber espionnage, selon Google Threat Intelligence Group.

Alors que la technologie progresse à une vitesse fulgurante, les failles de sécurité persistent, souvent invisibles jusqu’à ce qu’elles soient utilisées pour infiltrer des systèmes critiques. Dans son dernier rapport, le Google Threat Intelligence Group (GTIG) tire la sonnette d’alarme : 75 vulnérabilités zero-day ont été activement exploitées en 2024.

Ce chiffre marque une baisse par rapport à l’année précédente, qui en avait comptabilisé 97, mais il reste supérieur aux 63 failles de 2022. Plus inquiétant encore, plus de la moitié de ces vulnérabilités ont été utilisées à des fins de cyber espionnage, soulignant la manière dont les conflits géopolitiques se transposent désormais dans l’espace numérique.

La vulnérabilité zero-day, rappelons-le, désigne une faille de sécurité logicielle inconnue du développeur au moment de son exploitation. Elle offre aux attaquants une opportunité précieuse : agir sans être détectés, avant même qu’un correctif ne soit envisagé. Ce type d’attaque est particulièrement prisé des groupes étatiques et des acteurs sophistiqués, car il permet un accès furtif et souvent prolongé à des systèmes informatiques sensibles. Le rapport de GTIG met en évidence une tendance qui ne faiblit pas : les attaques par zero-day, bien qu’en légère baisse cette année, suivent une courbe ascendante sur le long terme, signe d’une menace de plus en plus structurée.

Plus de la moitié des failles exploitées pour l’espionnage numérique

En 2024, 56 % des exploits zero-day visaient des plateformes destinées aux utilisateurs finaux : navigateurs, appareils mobiles et systèmes d’exploitation de bureau. Les pirates informatiques exploitent ces points d’entrée pour accéder aux informations personnelles, aux communications sensibles et aux environnements professionnels. Malgré une diminution notable des attaques ciblant les navigateurs (passées de 17 à 11) et les appareils mobiles (de 17 à 9), les systèmes d’exploitation de bureau, en particulier Windows, sont de plus en plus exposés, avec 22 failles contre 17 l’année précédente.

Cette évolution n’est pas anodine. Comme le souligne le rapport de GTIG, Windows reste omniprésent dans les usages domestiques et professionnels, faisant de lui une cible de choix pour les attaquants. La popularité d’un logiciel devient alors sa faiblesse, car elle garantit aux pirates un champ d’action étendu et des bénéfices potentiels considérables.

« Les vulnérabilités zero-day ne sont pas seulement des anomalies techniques, elles sont devenues des armes numériques dans des conflits à grande échelle. »

Le lien entre les failles zero-day et le cyber espionnage est aujourd’hui largement établi. En 2024, cinq vulnérabilités ont été attribuées à des groupes liés à la Chine, cinq autres à des groupes nord-coréens, tandis que les clients de fournisseurs commerciaux de logiciels espions ont exploité huit failles. Ces chiffres mettent en lumière une collaboration croissante entre acteurs privés et étatiques dans le domaine de l’espionnage numérique. La frontière entre cybercriminalité et guerre de l’information devient de plus en plus floue, et les vulnérabilités zero-day en sont les instruments principaux.

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Des cibles de plus en plus professionnelles

L’autre constat marquant du rapport réside dans la proportion croissante de failles visant spécifiquement les environnements professionnels. Sur les 75 failles recensées, 33 (soit 44 %) ciblaient des outils et infrastructures utilisés en entreprise. Parmi celles-ci, 20 vulnérabilités touchaient directement des logiciels de sécurité ou des périphériques réseau, comme les firewalls ou les passerelles VPN. Ces systèmes jouent un rôle central dans la protection des données et l’isolation des réseaux d’entreprise. Leur compromission offre aux attaquants une porte d’entrée directe et souvent difficile à détecter vers l’ensemble d’un système.

Les vulnérabilités dans des produits tels qu’Ivanti Connect Secure VPN, Cisco Adaptive Security Appliance ou encore PAN-OS de Palo Alto Networks illustrent à quel point même les outils censés protéger les entreprises peuvent devenir leurs points faibles. La sophistication des attaques ne cesse d’augmenter, les pirates misant sur des exploits uniques, courts et efficaces, qui leur évitent de devoir construire des chaînes d’attaque complexes.

Plus de 60 % des failles zero-day ciblant les entreprises en 2024 ont été trouvées dans des logiciels de sécurité ou des équipements réseau.

Selon Casey Charrier, analyste senior chez GTIG, « l’exploitation des vulnérabilités zero-day continue de croître à un rythme lent mais régulier« . Toutefois, il souligne également un élément encourageant : les efforts des fournisseurs semblent commencer à porter leurs fruits. De nombreux produits autrefois très ciblés par les attaquants sont aujourd’hui moins vulnérables, preuve que les investissements dans la détection proactive et les audits de sécurité portent leurs fruits. Cette tendance positive reste cependant fragile, car les attaquants adaptent rapidement leurs méthodes pour contourner les nouvelles protections.

Les logiciels espions commerciaux, un marché en expansion

Un facteur préoccupant réside dans l’implication croissante de fournisseurs de logiciels espions commerciaux. Ces acteurs privés proposent des outils puissants à des clients qui n’ont ni les ressources techniques ni l’expertise nécessaires pour développer leurs propres solutions de piratage. Ce modèle commercialise la cyberattaque, la rend accessible et démultiplie les risques.

En exploitant des failles zero-day, ces clients peuvent surveiller des cibles politiques, économiques ou personnelles sans laisser de traces apparentes. Le marché des logiciels espions, souvent légitimé sous couvert de sécurité nationale ou de lutte contre le crime, échappe encore à une régulation efficace à l’échelle internationale. Cette absence de cadre juridique clair alimente l’impunité de nombreux acteurs.

Le marché des logiciels espions commerciaux facilite l’accès aux failles zero-day pour des acteurs non étatiques, rendant les cyberattaques plus fréquentes et plus difficiles à attribuer.

À mesure que les attaques gagnent en discrétion et en sophistication, la détection des failles devient une course contre la montre. Une vulnérabilité zero-day peut rester indétectée pendant des semaines, voire des mois, pendant lesquels les attaquants peuvent siphonner des données sensibles ou cartographier les réseaux entiers. Une fois révélées, ces failles doivent être comblées en urgence, mais le délai entre la découverte et le déploiement du correctif laisse souvent un espace d’exploitation critique.

Un équilibre fragile entre progrès technologique et sécurité

La baisse modérée du nombre total de vulnérabilités zero-day exploitées en 2024 ne doit pas masquer la réalité : la menace reste constante, alimentée par des enjeux géopolitiques, économiques et technologiques. Les acteurs malveillants n’ont jamais été aussi nombreux, ni aussi bien équipés. La multiplication des objets connectés, la complexité croissante des infrastructures logicielles et la dépendance numérique des entreprises rendent la tâche des défenseurs toujours plus difficile.

Pourtant, des signes encourageants apparaissent. Les fournisseurs redoublent d’efforts pour renforcer leurs produits, intégrer la sécurité dès la phase de conception, et réagir plus rapidement aux menaces émergentes. L’analyse proactive des comportements suspects, le partage d’informations entre chercheurs en cybersécurité et la transparence des éditeurs en matière de failles corrigées sont autant de leviers à développer.

Reste à savoir si ces efforts suffiront à endiguer la prochaine vague d’attaques.

Face à une menace aussi insidieuse que les failles zero-day, comment les entreprises et les gouvernements peuvent-ils bâtir une cybersécurité réellement résiliente ? En France, une école, l’OTERIA Cyber School, a lancé un cursus dédié aux failles et à la recherche de solution. Idée à suivre !

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Le contrôle s’intensifie : Roskomnadzor resserre l’étau sur les VPN

La Russie renforce son contrôle sur les protocoles de chiffrement étrangers utilisés dans les réseaux VPN, en élargissant massivement sa « liste blanche » et en plaçant les entreprises sous une surveillance technologique toujours plus étroite.

Avec une multiplication par six du nombre d’adresses IP autorisées sur sa « liste blanche », Roskomnadzor, le régulateur russe des communications, accentue sa pression sur les entreprises utilisant des technologies de chiffrement étrangères. Derrière cette démarche, officiellement justifiée par la cybersécurité, se cache un mouvement plus large vers un Internet souverain, aligné sur les standards russes. Les sociétés, prises en étau entre la conformité réglementaire et la nécessité de maintenir des opérations efficaces, tentent d’obtenir l’aval du Centre de surveillance pour continuer à utiliser des VPN. Ce durcissement des politiques numériques s’inscrit dans une stratégie plus globale visant à affaiblir les outils permettant de contourner la censure et à renforcer le contrôle des flux d’information.

Le paysage numérique russe continue de se redessiner sous l’impulsion de Roskomnadzor (RKN), l’autorité de régulation des télécommunications, qui impose un encadrement toujours plus strict de l’utilisation des technologies de chiffrement étrangères. En quelques mois à peine, la fameuse « liste blanche » tenue par le Centre de surveillance et de contrôle du réseau de communications publiques (CMCN), un organe rattaché à Roskomnadzor, a explosé en volume : elle recense désormais 75 000 adresses IP, contre seulement 12 000 l’année précédente. Cette liste, qui fonctionne comme une zone d’exclusion des futures restrictions, devient un outil central de la politique de cybersurveillance russe.

« L’inclusion dans la liste blanche est devenue un impératif vital pour les entreprises qui souhaitent continuer à utiliser des solutions techniques non russes. »

Les entreprises russes, confrontées à l’impossibilité technique ou économique d’abandonner certains protocoles de chiffrement occidentaux, se résolvent à déclarer leurs systèmes auprès des autorités pour éviter des interruptions de service. Le CMCN leur demande de justifier l’usage de ces protocoles, de fournir les adresses IP concernées ainsi que les finalités de leur utilisation. Le message est clair : tolérance uniquement sous surveillance.

Ce cadre restrictif s’inscrit dans un contexte où l’État russe cherche à s’affranchir progressivement de toute dépendance technologique étrangère. En avril, Roskomnadzor a publié une recommandation explicite : les entreprises utilisant des VPN russes devaient « cesser d’utiliser des protocoles de chiffrement étrangers« , notamment ceux permettant d’accéder à des contenus interdits [comprenez des sites web, par exemple, considéré comme ‘terroriste », comme Facebook« ]. En cas d’impossibilité technique, une demande formelle doit être adressée au régulateur, accompagnée de justificatifs.

Pour les experts, cette mesure vise autant à tester le terrain qu’à préparer un futur durcissement. Selon eux, il ne s’agit pas encore de bloquer systématiquement, mais bien d’étendre les capacités de surveillance du trafic. Cette centralisation de l’information permettra à Roskomnadzor d’affiner ses outils de détection et d’exclusion, à terme, des flux non conformes aux standards russes.

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L’enjeu est loin d’être anodin. Le projet fédéral « Infrastructure de cybersécurité« , doté de 60 milliards de roubles (environ 610 millions d’euros), prévoit une modernisation poussée des dispositifs de filtrage. L’objectif est de pouvoir analyser le trafic chiffré à partir des signatures des protocoles, y compris les connexions VPN. À terme, cela permettrait de bloquer jusqu’à 96 % des solutions de contournement.

Mais cette sophistication technologique s’accompagne de risques considérables. Faux positifs, surcharge administrative pour les entreprises, et surtout frein à la compétitivité dans les secteurs orientés vers l’international. Car les protocoles russes comme GOST, même intégrés dans des solutions telles que « Continent » ou « ViPNet », ne sont pas compatibles avec les systèmes étrangers. Pour les secteurs publics ou les infrastructures critiques, le respect des normes russes est possible, voire imposé. En revanche, pour le commerce mondial ou l’industrie du développement logiciel, la transition est complexe, voire contre-productive.

Bref, les outils russes de chiffrement remplissent leur fonction dans un cadre strictement national. Mais leur déploiement dans les environnements multinationaux reste limité. Résultat : de nombreuses entreprises russes préfèrent conserver les protocoles étrangers pour leurs opérations internes, au risque de s’exposer aux sanctions du régulateur.

Une forme de résignation pragmatique de la part du secteur privé à venir ? Si toutes les communications non conformes aux standards russes sont bloquées, les entreprises n’auront d’autre choix que de livrer leurs adresses IP à Roskomnadzor, afin de ne pas paralyser leurs échanges internes et leurs connexions avec leurs filiales ou partenaires.

« Le VPN pourrait devenir une technologie à autorisation préalable, soumise au bon vouloir du régulateur »

Cette perspective d’un Internet « à autorisation » se confirme. L’accès au VPN en Russie pourrait bientôt être entièrement régi par une logique permissive, à savoir qu’il ne serait accordé qu’après validation explicite de Roskomnadzor. Une telle orientation marquerait une rupture nette avec la logique d’ouverture initiale d’Internet, en instaurant un contrôle bureaucratique préalable sur des technologies pourtant banalisées ailleurs.

La mise en œuvre de ces mesures s’inscrit dans la stratégie plus large du « RuNet souverain« , un Internet russe coupé du reste du monde et fonctionnant selon des normes locales. À terme, Moscou ambitionne de bâtir une infrastructure numérique entièrement autonome, à la fois en matière d’équipement, de logiciels et de protocoles. La guerre en Ukraine et les sanctions occidentales ont accéléré cette volonté de repli technologique.

Dans cette dynamique, les protocoles de chiffrement étrangers deviennent des symboles de dépendance à éradiquer. Mais leur interdiction brutale pourrait engendrer des effets pervers majeurs. Car les protocoles ouverts comme OpenVPN ou IPSec, largement utilisés dans le monde entier, sont devenus des standards industriels. Leur remplacement par des alternatives nationales n’est pas neutre : il impose des coûts supplémentaires, réduit l’interopérabilité et introduit des risques en matière de sécurité si les nouvelles solutions ne sont pas testées à l’échelle globale.

À cela s’ajoute un climat de surveillance renforcée. La collecte massive de données techniques, l’enregistrement obligatoire d’adresses IP et l’archivage des configurations réseau nourrissent un appareil bureaucratique omniprésent, dans lequel la conformité devient une condition de survie. Cette centralisation du contrôle, sous couvert de cybersécurité, marque une inflexion profonde vers un modèle où la liberté numérique est strictement encadrée.

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AirPlay en péril : les failles « AirBorne » mettent en danger des milliards d’appareils Apple

Des chercheurs ont découvert 23 vulnérabilités dans AirPlay, menaçant potentiellement plus de deux milliards d’appareils Apple et tiers d’attaques informatiques sophistiquées.

La dernière alerte de cybersécurité en date concerne l’un des protocoles les plus utilisés de l’écosystème Apple : AirPlay. Conçu pour permettre la transmission fluide de contenu audio, vidéo ou d’affichage entre appareils Apple – ou vers des appareils tiers compatibles – AirPlay est aujourd’hui au centre d’un problème de sécurité d’envergure. Le 31 mars 2025, Apple a publié une série de correctifs critiques pour iOS, macOS, iPadOS, visionOS ainsi que pour les SDK audio et vidéo AirPlay. En cause : un ensemble de 23 vulnérabilités découvertes par les experts de la société Oligo Security, regroupées sous le nom évocateur de « AirBorne ».

Ces failles permettent notamment l’exécution de code à distance, les attaques Man-in-the-Middle (MitM), le déni de service, l’interaction non autorisée avec l’utilisateur et la lecture de fichiers locaux. Parmi les menaces les plus graves identifiées : deux failles de type « zéro clic », permettant de compromettre un appareil sans aucune interaction de l’utilisateur, et une autre contournant la validation manuelle d’une connexion AirPlay. Ces vulnérabilités peuvent être exploitées via une connexion directe entre appareils ou à travers un réseau Wi-Fi partagé, décuplant ainsi leur potentiel de propagation et de nuisance.

Un risque systémique pour l’écosystème Apple

L’une des forces d’Apple – la connectivité fluide entre ses appareils – devient ici une faiblesse structurelle. Un iPhone compromis par AirBorne pourrait, par exemple, infecter un Mac, une Apple TV ou même un téléviseur tiers connecté au même réseau domestique ou professionnel. Les conséquences sont multiples : espionnage discret via prise de contrôle des flux audiovisuels, déploiement de rançongiciels, compromission de chaînes d’approvisionnement ou sabotage de systèmes critiques dans des environnements sensibles comme les hôpitaux ou les entreprises technologiques.

Les chercheurs d’Oligo Security ont démontré que des haut-parleurs Bose ou des téléviseurs intelligents compatibles AirPlay peuvent aussi être visés. À travers une vidéo de preuve de concept, ils ont montré qu’il est possible d’afficher des images arbitraires sur un appareil tiers, soulignant le potentiel d’un contrôle complet à distance.

« AirPlay est omniprésent et vulnérable »

Selon Oligo, pas moins de 2,35 milliards d’appareils Apple dans le monde sont concernés. À ce chiffre déjà vertigineux s’ajoutent des dizaines de millions d’appareils tiers, comme les haut-parleurs connectés, les téléviseurs intelligents et les systèmes de divertissement embarqués prenant en charge CarPlay. En clair, la surface d’attaque dépasse largement les seuls produits Apple.

« Étant donné qu’AirPlay est pris en charge par un grand nombre d’appareils, il faudra des années pour que beaucoup d’entre eux soient corrigés, ou ils ne le seront jamais« , avertissent les chercheurs.

Cette prédiction fait froid dans le dos. Car si Apple a rapidement publié des correctifs pour ses propres appareils, les fabricants tiers devront adapter, tester et déployer leurs propres mises à jour pour les intégrer. Or, dans le monde de l’électronique grand public, où les mises à jour logicielles tardent souvent – voire sont complètement négligées – ce délai représente un danger concret et durable.

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Des attaques potentiellement autonomes et persistantes

Les failles AirBorne sont d’autant plus préoccupantes qu’elles pourraient être utilisées pour créer un ver, c’est-à-dire un logiciel malveillant capable de se propager de manière autonome d’un appareil vulnérable à un autre. Cela rappelle les grands incidents informatiques comme WannaCry ou NotPetya, qui ont paralysé des réseaux entiers à l’échelle mondiale.

Dans le cas présent, un tel ver pourrait tirer parti de la connectivité sans fil entre les appareils pour s’infiltrer sans laisser de trace visible. Il suffirait qu’un utilisateur se connecte à un réseau Wi-Fi public ou mal sécurisé pour voir son téléphone ou son ordinateur portable compromis, devenant alors un vecteur d’infection pour tous les autres appareils compatibles AirPlay du réseau.

« Ce type de vulnérabilités peut avoir de graves conséquences« , écrivent les experts, soulignant que l’attaque peut débuter par un simple partage de contenu AirPlay entre deux appareils de confiance.

Des réponses à mettre en œuvre rapidement

Face à cette menace, la réponse ne peut pas se limiter à des correctifs techniques. Les chercheurs appellent les entreprises à mettre immédiatement à jour tous les appareils Apple qu’elles utilisent, y compris les terminaux personnels des employés, et à désactiver AirPlay lorsqu’il n’est pas indispensable.

Ils recommandent également de limiter l’accès à AirPlay par le biais de pare-feux ou de règles de sécurité réseau, en s’assurant que seuls des appareils connus et approuvés puissent établir une connexion. Ces mesures sont relativement simples à mettre en œuvre dans un environnement d’entreprise, mais beaucoup plus complexes dans le grand public, où la commodité prime souvent sur la sécurité.

Du côté d’Apple, la réponse a été rapide, mais reste partielle. En publiant des mises à jour pour iOS 18.4, macOS Sonoma 14.7.5, Ventura 13.7.5, Sequoia 15.4 et visionOS 2.4, l’entreprise a montré sa capacité à réagir efficacement. Toutefois, elle ne peut pas imposer aux fabricants tiers de patcher leurs produits, ni contraindre les utilisateurs à installer les mises à jour.

Cela pose la question de la gestion de la sécurité dans les écosystèmes interconnectés, où la responsabilité est répartie entre plusieurs acteurs : Apple, les fabricants tiers, les développeurs de logiciels, les fournisseurs d’accès et, bien sûr, les utilisateurs eux-mêmes.

La promesse d’AirPlay se heurte à la réalité des cybermenaces

Depuis son lancement, AirPlay a été présenté comme un symbole d’innovation, de simplicité et d’interopérabilité. Mais en 2025, cette vision est remise en question par une réalité plus sombre : celle de systèmes complexes, où chaque fonction peut devenir un vecteur de compromission.

À mesure que les objets connectés prolifèrent, que les voitures s’équipent de CarPlay, et que les foyers adoptent des téléviseurs toujours plus intelligents, la sécurité des protocoles comme AirPlay devient une priorité stratégique. Car si ces failles venaient à être exploitées à grande échelle, les conséquences pourraient être dramatiques pour les particuliers comme pour les organisations.

D’autant que la connectivité AirPlay est souvent active par défaut, exposant sans le savoir de nombreux utilisateurs à des risques qu’ils ne soupçonnent même pas. L’illusion de sécurité procurée par la marque Apple pourrait ainsi jouer contre elle, en incitant à un excès de confiance.

L’affaire AirBorne pose, en filigrane, la question fondamentale de la confiance dans les technologies que nous utilisons chaque jour. Quand un protocole aussi central et populaire qu’AirPlay se révèle vulnérable à des attaques sophistiquées, c’est l’ensemble de l’édifice numérique qui vacille.

Les prochaines semaines diront si les mises à jour d’Apple suffiront à juguler la menace ou si, comme le craignent certains experts, une vague d’attaques exploitant ces failles se prépare. Mais une chose est sûre : l’affaire AirBorne marquera un tournant dans la manière dont la sécurité des protocoles sans fil est perçue, tant par les ingénieurs que par le grand public.

En fin de compte, cette alerte pourrait-elle inciter les fabricants à repenser l’architecture de leurs systèmes et à accorder une priorité absolue à la sécurité dès la conception ?

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Kali Linux perd sa clé : mises à jour bloquées pour des millions d’utilisateurs

Une erreur humaine, une alerte critique : Offensive Security a perdu la clé de signature de Kali Linux, forçant ses utilisateurs à intervenir manuellement pour continuer à recevoir les mises à jour du système.

C’est une mésaventure technique qui pourrait bien mettre à mal la réputation de rigueur dont jouissent les créateurs de Kali Linux. Offensive Security, l’organisation derrière la célèbre distribution dédiée aux tests de pénétration et à la cybersécurité, a annoncé avoir perdu la clé de signature de son référentiel de paquets. Sans cette clé, les systèmes Kali ne peuvent plus vérifier l’authenticité des mises à jour proposées, ce qui rend leur installation impossible. Le problème n’est pas anodin : il concerne potentiellement des millions d’utilisateurs dans le monde, depuis les professionnels de la cybersécurité jusqu’aux chercheurs et passionnés. Pour y remédier, un correctif manuel a été proposé, mais la situation soulève des interrogations sur les protocoles de sécurité interne au sein d’une distribution pourtant réputée pour l’excellence de ses pratiques en la matière.

Tout commence par un constat embarrassant de la part d’Offensive Security : la clé GPG utilisée pour signer les paquets distribués via les dépôts officiels de Kali Linux, identifiée sous le nom ED444FF07D8D0BF6, a été tout simplement perdue. Sans être compromise, cette clé est donc devenue inutilisable, forçant les développeurs à en générer une nouvelle (ED65462EC8D5E4C5). Un incident qui aurait pu passer inaperçu si ce n’était la nature critique de cette clé. En effet, elle permet aux systèmes de vérifier que les mises à jour logicielles qu’ils reçoivent sont bien légitimes et n’ont pas été altérées. En son absence, toute tentative d’installation échoue avec une erreur mentionnant l’absence de la nouvelle clé : « Clé manquante 827C8569F2518CC677FECA1AED654462EC8D5E4C5, qui est nécessaire pour vérifier la signature« .

« Nous avons perdu l’accès à la clé de signature du dépôt ; nous avons donc dû en créer une nouvelle« , ont reconnu les développeurs, invoquant leur pleine responsabilité dans cette erreur.

Afin d’éviter tout impact immédiat, Offensive Security a temporairement « gelé » son dépôt. Concrètement, aucune mise à jour n’a été publiée depuis le vendredi 18 avril, ce qui a permis de gagner du temps pour mettre en place la transition vers la nouvelle clé. Mais cette pause n’est que temporaire. Les mises à jour vont reprendre dans les jours qui viennent, et à ce moment-là, les utilisateurs qui n’auront pas installé la nouvelle clé verront leur système dans l’incapacité de se mettre à jour.

C’est pourquoi une méthode manuelle a été rapidement communiquée. Les utilisateurs doivent télécharger la nouvelle clé via la commande suivante :

Cette opération, bien que simple pour les habitués de Kali, n’est pas sans risque pour les utilisateurs moins expérimentés, qui pourraient omettre de vérifier l’intégrité de la clé téléchargée. Conscients de cela, les développeurs ont proposé une alternative : effectuer une réinstallation complète du système à partir des nouvelles images ISO, déjà signées avec la clé mise à jour. Une solution plus lourde, mais qui garantit une intégration propre et sans ambiguïté de la nouvelle configuration.

L’affaire révèle une faille embarrassante dans la gestion de la sécurité chez Offensive Security. Kali Linux est une distribution orientée sécurité, utilisée quotidiennement dans les audits, les pentests et l’analyse de vulnérabilités. La moindre faille de gestion interne, même administrative, peut avoir des conséquences disproportionnées. La perte d’une clé GPG n’est pas anodine : elle remet en cause la chaîne de confiance sur laquelle repose toute l’infrastructure logicielle du projet.

En 2018 déjà, les utilisateurs avaient été contraints de mettre à jour manuellement leur trousseau de clés, après l’expiration d’une clé GPG. L’incident de 2024 semble résonner comme une répétition malheureuse.

Cette répétition pose une question importante : pourquoi une distribution aussi centrée sur la sécurité n’a-t-elle pas mis en place un système de sauvegarde ou de gestion plus résilient de ses clés de signature ? Dans le monde de l’open source, la perte d’une clé n’est pas une première, mais les leçons du passé devraient suffire à prévenir ce type de scénario.

Il est aussi utile de rappeler que la clé perdue n’a pas été compromise. Elle n’a pas été volée ni utilisée à mauvais escient. Elle est simplement devenue inaccessible, un oubli ou une négligence qui ne remet pas en cause la sécurité des paquets existants, mais qui empêche toute signature future. Cela limite les conséquences immédiates, mais cela n’exonère pas Offensive Security d’un défaut de diligence.

Pour les utilisateurs, l’enjeu est désormais de rétablir la capacité de leur système à se mettre à jour sans compromettre leur intégrité. Une mauvaise manipulation, une clé non vérifiée ou un paquet téléchargé depuis une source non officielle peuvent ouvrir la porte à des attaques. Le paradoxe est cruel : utiliser un outil conçu pour sécuriser des systèmes peut soudain devenir risqué à cause d’une erreur de gestion interne.

Kali Linux reste malgré tout une référence dans le monde de la cybersécurité. Sa réactivité, la transparence de sa communication et la rapidité de sa réponse ont permis de limiter les dégâts. Mais à l’heure où la confiance est une ressource aussi précieuse que les lignes de code, ce type d’incident mérite une remise en question sérieuse des pratiques internes.

Quoi qu’il en soit, cet incident nous rappelle une vérité fondamentale : même les outils les plus sûrs ne sont jamais à l’abri d’une simple erreur humaine. La sécurité numérique, aussi sophistiquée soit-elle, repose encore sur des chaînes de responsabilités bien humaines. La vigilance, la transparence et la rigueur resteront donc, toujours, les meilleurs remparts face à l’imprévu.

Et si une clé perdue [nouvelle ici] peut mettre en pause une distribution entière, comment renforcer à l’avenir la résilience des outils sur lesquels repose toute l’infrastructure numérique mondiale ?

La CNIL alerte sur la sécurité des grandes bases de données

Les fuites massives de données en 2024 ont exposé les failles de sécurité des grandes bases contenant des millions de données personnelles. La CNIL émet ses consignes pour muscler la cybersécurité.

En 2024, la France a été le théâtre d’une vague inédite de violations de données personnelles. Ces incidents, souvent dus à des négligences techniques et à des pratiques de sécurité insuffisantes, ont mis en lumière la fragilité des systèmes traitant des volumes massifs d’informations comme a pu le prouver ZATAZ.COM dès septembre 2023. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a publié une série de recommandations destinées à renforcer les mesures de sécurité. Une démarche devenue cruciale, à l’heure où les bases de données numériques, qu’elles soient publiques ou privées, cristallisent un enjeu majeur de souveraineté, de confiance et de résilience numérique.

Des failles structurelles mises à nu par une année noire

L’année 2024 aura servi de révélateur brutal. Des millions de personnes ont vu leurs données personnelles exposées à la suite d’attaques informatiques ciblant aussi bien des organismes publics que des entreprises privées. Le site ZATAZ.COM, référence de l’actualité dédiée à la lutte contre la cybercriminalité, avait lancé l’alerte dès 2023. Ces fuites ne sont pas l’œuvre de cybercriminels d’élite, mais bien d’attaques dites « opportunistes », facilitées par des failles répétitives : comptes usurpés protégés par de simples mots de passe (les pirates ont exploité dans la plupart des cas des infos stealers), surveillance inexistante des intrusions (une veille qui ne doit pas être négligée), ou encore sous-traitants négligents. Selon les rapports de la CNIL, près de 80 % des violations majeures enregistrées proviennent d’identifiants compromis.

Ces lacunes soulignent un déséquilibre préoccupant : les systèmes manipulant les données de plusieurs millions d’individus ne bénéficient pas toujours des dispositifs de sécurité à la hauteur des risques encourus. Or, ces bases de données géantes – qu’il s’agisse de CRM, de services cloud ou de plateformes clients – concentrent une mine d’informations sensibles : identités, coordonnées, historiques de consommation, voire données bancaires.

80 % des violations massives en 2024 ont été rendues possibles par des identifiants volés et une absence d’authentification renforcée.

Des mesures à la hauteur des enjeux

Face à cette situation alarmante, la CNIL insiste sur la nécessité d’une « défense en profondeur » pour les grandes bases de données. Il ne s’agit plus seulement de protéger la périphérie d’un système, mais bien d’organiser sa sécurité de manière holistique. Cela inclut des couches successives de protection, une surveillance active, une journalisation rigoureuse des activités et une politique d’accès strictement contrôlée.

L’autorité rappelle que les articles 5.1.f et 32 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) imposent aux responsables de traitement comme aux sous-traitants de garantir une sécurité adaptée à la nature des données traitées et aux menaces qui les guettent. Cela implique une mise à jour constante des dispositifs techniques, mais aussi une réflexion en amont sur les architectures et les processus organisationnels.

La CNIL recommande notamment l’intégration systématique de l’authentification multifacteur (2fa/mfa) pour tout accès à distance à des données massives. Elle pointe également l’importance de limiter les capacités d’extraction de données en cas d’intrusion, ainsi que la nécessité de mettre en place des dispositifs de journalisation performants permettant de détecter rapidement toute activité anormale.

Multifacteur et journalisation : piliers de la nouvelle sécurité

La double authentification constitue aujourd’hui un rempart incontournable face à l’explosion des attaques par hameçonnage ou par réutilisation d’identifiants compromis (credential stuffing). Ce dispositif, qui combine mot de passe et preuve de possession (comme un code envoyé sur un téléphone ou une application dédiée), réduit considérablement le risque d’accès frauduleux… mais n’empêche aucunement l’accumulation de données personnelles. Les pirates ont compris depuis bien longtemps comme accéder à des espaces privées via, par exemple, le social engineering.

La CNIL n’ignore pas les contraintes opérationnelles que peut engendrer sa mise en œuvre, notamment pour les structures peu dotées en ressources humaines ou techniques. Mais l’autorité considère cet effort comme proportionné aux risques encourus. Surtout, elle prévient que l’absence d’une telle mesure sur des bases sensibles pourra, à compter de 2026, justifier l’ouverture de procédures de sanction.

Autre axe fort : la journalisation des activités. Les responsables de traitement sont appelés à mettre en place une traçabilité fine des accès, actions et flux de données. L’objectif est double : détecter les intrusions le plus tôt possible et disposer d’éléments d’analyse en cas d’incident. Les logs doivent être conservés entre six mois et un an, selon des modalités qui garantissent leur intégrité et leur exploitation. L’enjeu n’est pas tant d’accumuler des volumes de données que de savoir les interpréter et d’agir rapidement. Des logs qui pourront permettre de savoir si l’ennemi ne vient pas de l’intérieur !

La CNIL exigera dès 2026 l’authentification multifacteur sur toutes les grandes bases de données accessibles à distance, sous peine de sanctions.

Former pour anticiper : la vigilance humaine en première ligne

La technique ne peut à elle seule garantir la sécurité des données. Les erreurs humaines, trop souvent à l’origine des incidents, doivent être anticipées. La CNIL encourage les entreprises à organiser régulièrement des sessions de formation et de sensibilisation adaptées à chaque profil d’utilisateur : employés, développeurs, prestataires, décideurs. Data Security Breach, par le biais de son fondateur, Damien Bancal, propose des rendez-vous de sensibilisation [contact]. L’implication des utilisateurs est cruciale. Dans bien des cas, un simple doute exprimé par un salarié aurait pu éviter une fuite. D’où l’importance de disposer de référents identifiés et de canaux de remontée d’alerte efficaces. La CNIL considère que l’absence de telles mesures constitue un manquement à part entière.

Un point de vigilance majeur concerne la chaîne de sous-traitance. Les bases de données de grande ampleur sont souvent hébergées ou gérées par des prestataires externes, parfois situés à l’étranger. La CNIL rappelle que le RGPD impose de formaliser, par contrat, l’ensemble des obligations sécuritaires, incluant les clauses sur les violations de données, l’usage de sous-traitants secondaires et la transparence sur les mesures techniques employées.

Le responsable de traitement reste, dans tous les cas, redevable du niveau de sécurité. Il lui revient de s’assurer que le prestataire respecte les recommandations de l’autorité, dispose des certifications nécessaires et se soumet à des audits réguliers. Cette exigence vaut aussi bien pour les sous-traitants directs que pour les fournisseurs cloud, très présents dans l’hébergement de données massives.

La CNIL recommande notamment d’annexer au contrat la politique de sécurité de l’information du prestataire, ainsi que les preuves de ses certifications. Elle insiste sur l’importance d’un suivi continu, et non ponctuel, du niveau de conformité du sous-traitant. Bref, rien de nouveau. Cela devrait être inclus depuis la mise en place du RGPD, en mai 2018 !

2025 : le virage de la fermeté

Avec son plan stratégique 2025-2028, la CNIL franchit un cap dans son approche de la cybersécurité. Elle annonce une intensification de ses contrôles, en ciblant plus particulièrement les structures manipulant des données à très grande échelle. Un accompagnement est prévu, mais la pédagogie laissera peu à peu place à une exigence renforcée de conformité.

L’autorité prévient : les entreprises ayant déjà connu des fuites et qui n’auraient pas renforcé leur sécurité s’exposent à des sanctions accrues. Le message est clair : les incidents passés doivent servir de leçon. Les organismes ont désormais à leur disposition tous les outils pour anticiper, prévenir et réagir.

Les sanctions, qui peuvent atteindre 10 millions d’euros ou 2 % du chiffre d’affaires mondial, ne sont pas une menace théorique. Elles ont déjà été prononcées par la CNIL à plusieurs reprises ces dernières années. À l’avenir, le non-recours à l’authentification multifacteur sur des bases critiques sera considéré comme une négligence inacceptable.

Vers une maturité numérique collective ?

Ce tournant amorcé par la CNIL marque une volonté claire de responsabiliser l’ensemble de l’écosystème numérique. À l’heure où les données personnelles deviennent une ressource stratégique, leur protection ne saurait être une option. Elle est le socle de la confiance numérique, et donc de la compétitivité des entreprises comme de la légitimité des institutions.

Mais une question demeure : les acteurs économiques, souvent contraints par des logiques de rentabilité et de rapidité, seront-ils prêts à consacrer les ressources nécessaires à cette sécurisation ? Et au-delà des injonctions, la culture de la cybersécurité peut-elle réellement s’ancrer durablement dans les pratiques quotidiennes des organisations surtout face à des pirates informatiques qui ont du temps pour réfléchir à comment rentrer chez vous !

OpenDNS coupé en Belgique : une bataille entre justice, streaming et liberté numérique

Depuis le 11 avril 2025, OpenDNS n’est plus accessible aux internautes belges, conséquence d’une décision judiciaire liée à la lutte contre le piratage. En toile de fond : DAZN, le streaming sportif et la neutralité technologique.

Le bras de fer entre les ayants droit du sport et les services de contournement numérique franchit une nouvelle étape en Belgique. OpenDNS, service alternatif de résolution DNS appartenant à Cisco, a suspendu ses activités dans le pays suite à une décision du tribunal de commerce francophone de Bruxelles. En cause : une plainte déposée par la plateforme DAZN contre des centaines de sites de streaming illégaux, accusés de diffuser sans autorisation des contenus sportifs. Cette décision judiciaire impose désormais à des services technologiques comme OpenDNS d’empêcher l’accès à ces plateformes illicites. Face à cette injonction, Cisco a choisi de retirer complètement son service DNS du territoire belge, soulignant un débat crucial sur la neutralité du Net.

DNS : la boussole d’Internet que l’on oublie trop souvent

Pour comprendre l’affaire, il faut d’abord saisir ce qu’est un DNS. Le Domain Name System (DNS) est un système fondamental d’Internet créé par David Ulevitch il y a bientôt 20 ans : il convertit les noms de domaine que nous tapons — comme datasecuritybreach.fr ou netflix.com — en adresses IP, compréhensibles par les machines. En d’autres termes, il s’agit d’un annuaire géant qui permet à nos navigateurs de retrouver les sites web. Sans DNS, il faudrait mémoriser les séries de chiffres correspondant à chaque site, une tâche irréalisable pour la plupart des internautes.

Traditionnellement, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) proposent leurs propres serveurs DNS. Mais de nombreux utilisateurs, pour des raisons de performance, de sécurité ou de confidentialité, préfèrent des services alternatifs comme OpenDNS, Cloudflare ou Google DNS. Ces services, souvent plus rapides, filtrent aussi les contenus malveillants, protègent contre les attaques et permettent de contourner certaines restrictions géographiques.

OpenDNS, racheté par Cisco en 2015 pour 635 millions de dollars (environ 595 millions d’euros), offrait une alternative rapide et sécurisée aux serveurs DNS traditionnels.

OpenDNS, justement, se distingue depuis sa création en 2006 par sa capacité à sécuriser les connexions et à accélérer la navigation. Depuis son acquisition par Cisco, géant américain des infrastructures réseau, le service est resté gratuit pour les particuliers. Mais c’est cette même accessibilité qui le rend aujourd’hui problématique dans le contexte juridique belge.

La plainte de DAZN : une lutte contre le piratage massif

DAZN, plateforme spécialisée dans la diffusion de compétitions sportives, a porté plainte devant la justice belge contre plusieurs centaines de sites diffusant illégalement ses contenus. Pour les ayants droit, ces plateformes représentent une perte de revenus colossale et menacent le modèle économique des retransmissions sportives, où les droits audiovisuels se chiffrent en milliards. Dazn a déjà agi, avec plus ou moins de réussites, en France, en Espagne, Etc.

C’est dans ce cadre que le tribunal a rendu une ordonnance obligeant les fournisseurs d’accès, mais aussi certains services de résolution DNS, à bloquer l’accès à une longue liste de sites jugés illégaux. Concrètement, cela signifie que des entreprises comme Cisco doivent manipuler leur infrastructure DNS pour empêcher les utilisateurs belges de se connecter à ces sites.

Or, pour Cisco, cette demande va à l’encontre de la neutralité technologique. Dans un communiqué, l’entreprise a exprimé son désaccord avec cette approche. Elle estime que la responsabilité d’un tel blocage devrait incomber aux hébergeurs ou aux plateformes de contenu, pas aux intermédiaires techniques comme les services DNS.

Plutôt que de modifier ses services pour répondre à cette obligation spécifique à la Belgique, Cisco a fait le choix radical de suspendre complètement l’accès à OpenDNS dans le pays. Une décision inédite, qui suscite de nombreuses réactions, tant sur le plan juridique que technologique.

Pour les défenseurs des libertés numériques, cette affaire illustre les dérives potentielles d’une régulation trop intrusive. Le fait qu’un service mondial soit contraint de modifier son fonctionnement à l’échelle d’un pays, voire de cesser ses activités, pose la question de la souveraineté numérique mais aussi de l’universalité d’Internet. À l’inverse, les ayants droit et les acteurs de l’audiovisuel saluent une décision qui donne enfin des moyens concrets pour lutter contre le piratage.

Dans les faits, cette suspension d’OpenDNS crée une zone grise pour les internautes belges. Beaucoup se tournent désormais vers d’autres services DNS ou utilisent des VPN pour contourner cette nouvelle restriction. Une ironie, puisque la mesure censée freiner l’accès au contenu illégal pourrait, à terme, encourager encore davantage les pratiques de contournement.

Un précédent inquiétant pour les technologies neutres ?

Le cas belge pourrait-il devenir un cas d’école ? C’est l’une des préoccupations majeures des acteurs du numérique. Si chaque pays peut exiger d’un prestataire DNS ou d’un autre service technique d’intervenir dans le filtrage du web, cela ouvre la porte à une fragmentation d’Internet. Un Internet à plusieurs vitesses, où l’accès aux services dépendrait de critères géopolitiques ou juridiques.

La neutralité du Net, un principe fondateur d’Internet, en sort fragilisée. Ce principe veut que tous les flux de données soient traités de manière égale, sans discrimination ni interférence. En demandant à un service neutre comme OpenDNS d’exclure certains sites, la justice belge brouille cette ligne de séparation entre contenu et infrastructure.

Mais les défenseurs du droit d’auteur rappellent que l’impunité ne peut plus durer. Le streaming illégal prive les créateurs de revenus légitimes, et les plateformes comme DAZN ont besoin de recours concrets pour protéger leurs investissements.

Données et intelligence artificielle : un duo sous haute surveillance

La dernière étude de Cisco révèle une confiance accrue dans la protection des données, mais pointe les tensions croissantes entre souveraineté numérique, innovation et gouvernance de l’IA.

Alors que l’intelligence artificielle transforme en profondeur les pratiques numériques, la protection des données personnelles se positionne plus que jamais comme un enjeu stratégique. Dans son “Data Privacy Benchmark 2025”, Cisco explore un équilibre fragile : celui entre la promesse d’une IA performante et les exigences d’une confidentialité renforcée. Réalisée auprès de 2 600 professionnels dans 12 pays, l’étude confirme un paysage en pleine mutation, tiraillé entre prudence réglementaire, volonté de souveraineté et dépendance à l’expertise technologique mondiale. Si la confiance envers les fournisseurs de solutions globales semble s’intensifier, les craintes entourant les dérives potentielles de l’IA, notamment générative, rappellent la nécessité impérieuse d’une gouvernance responsable.

La souveraineté numérique à l’épreuve de la mondialisation

Les résultats du rapport 2025 de Cisco témoignent d’un paradoxe bien réel : les entreprises plébiscitent la localisation des données pour des raisons de sécurité, tout en continuant de faire confiance à des acteurs mondiaux pour leur traitement. En effet, 91 % des organisations interrogées estiment que stocker les données localement renforce leur sécurité, malgré les coûts supplémentaires que cela implique. Dans le même temps, 90 % reconnaissent la fiabilité des fournisseurs globaux pour garantir la confidentialité de leurs données. Ce double constat illustre la complexité du contexte actuel, dans lequel la souveraineté numérique cohabite difficilement avec la logique d’un cloud globalisé.

La dynamique va plus loin qu’un simple enjeu de contrôle. Elle reflète aussi une stratégie de reconquête de la confiance des clients. Comme le souligne Harvey Jang, Directeur de la confidentialité chez Cisco, « l’engouement pour la localisation traduit une volonté affirmée de reprendre le contrôle. Mais une économie numérique performante repose aussi sur des échanges fluides et sécurisés à l’échelle mondiale ». Des initiatives comme le Global Cross-Border Privacy Rules Forum apparaissent alors comme des mécanismes essentiels pour concilier interopérabilité, respect des lois nationales et compétitivité internationale.

La réglementation comme levier d’innovation

Contrairement aux idées reçues, la réglementation sur la confidentialité ne freine pas l’innovation : elle l’encadre. Et pour beaucoup d’entreprises, elle s’impose même comme un facteur de performance. Le benchmark 2025 souligne ainsi que 85 % des répondants considèrent que les lois sur la protection des données ont un impact positif sur leur activité. Mieux encore, 95 % affirment que les investissements en matière de confidentialité se révèlent rentables, tant sur le plan de la sécurité que de la fidélisation client.

En France, cette tendance s’ancre dans une réalité culturelle et politique plus large. D’après l’édition 2024 de l’enquête Cisco sur la vie privée des consommateurs, 73 % des Français déclarent connaître les lois en matière de confidentialité — un taux largement supérieur à la moyenne mondiale. Plus révélateur encore, 92 % estiment que ces lois sont efficaces pour protéger leurs données personnelles. Ces chiffres témoignent d’un environnement où la conscience citoyenne et la régulation vont de pair, imposant aux entreprises une rigueur accrue… mais aussi une opportunité de renforcer leur capital confiance.

95 % des entreprises interrogées considèrent que leurs investissements en protection des données sont rentables, bien au-delà des exigences de conformité.

L’IA générative, une avancée technologique sous surveillance

Avec la montée en puissance de l’IA générative, un nouveau front s’ouvre pour les responsables de la sécurité des données. Si cette technologie est perçue comme un levier d’accélération, elle suscite également des inquiétudes croissantes : fuites de données, mésusages, intrusions involontaires… Le rapport de Cisco montre que seules 48 % des entreprises françaises se déclarent très familières avec l’IA générative, un chiffre qui traduit à la fois la jeunesse de cette technologie et la prudence avec laquelle elle est accueillie.

Les inquiétudes ne sont pas infondées : 70 % des professionnels interrogés redoutent des fuites accidentelles de données sensibles via des outils d’IA. Un tiers d’entre eux reconnaissent même avoir déjà saisi des informations confidentielles dans ces interfaces.

Gouverner l’intelligence artificielle par la donnée

Le virage vers l’intelligence artificielle n’est plus une hypothèse, mais une certitude. Cisco prévoit un quasi-doublement des budgets informatiques consacrés à l’IA dans les mois à venir. Ce redéploiement s’accompagne d’un transfert stratégique : 97 % des répondants envisagent de réaffecter une partie de leur budget dédié à la confidentialité vers des initiatives IA. Ce mouvement n’est pas un désengagement, mais une évolution : gouverner l’IA, c’est désormais garantir la confidentialité par la conception.

Cette perspective est portée par une vision de long terme, dans laquelle les outils d’IA ne peuvent se déployer qu’à la condition d’être régulés et maîtrisés. L’intelligence artificielle ne remplace pas la gouvernance, elle la complexifie. Les entreprises doivent ainsi bâtir des structures hybrides, capables d’intégrer à la fois les impératifs réglementaires, les exigences technologiques et les attentes sociétales. Cette transversalité redéfinit le rôle des équipes sécurité et juridique, qui deviennent des acteurs clés de l’innovation responsable.

Une équation à plusieurs inconnues

À l’échelle internationale, l’étude de Cisco offre un instantané précieux d’un écosystème en pleine transformation. Les lignes bougent, les certitudes vacillent. Alors que les données deviennent le carburant de l’économie numérique, leur protection ne relève plus uniquement de la conformité légale, mais d’un véritable projet d’entreprise. Dans cette équation, chaque acteur — décideur, technicien, juriste, utilisateur — détient une partie de la solution.

Le défi des prochaines années sera donc de conjuguer plusieurs impératifs : localiser sans isoler, innover sans exposer, automatiser sans déresponsabiliser. Car la confidentialité des données, loin d’être un frein, peut devenir un accélérateur de transformation — à condition de la penser comme une démarche globale, éthique et transparente.

Dans un monde de plus en plus piloté par des algorithmes, la confiance reste le meilleur des algorithmes.